On découvre une vérité avec le même préssentiment et la même jubilation qu’un paranoïaque découvre un complot monté contre lui. La vérité soi-disant découverte, en réalité, existait déjà à notre insu, au plus profond de nous, sous la forme d’une conviction embryonnaire ; cette vérité, on veut bien la découvrir car elle fait déjà partie de ce qu’on est, elle nous rassure, elle nous confirme.
Ainsi, on croit avoir des idées, se forger une opinion à force de raison, mais il faut bien admettre que ce sont ces idées qui nous détiennent, que tel type d’idées va imprégner tel type de personnes tandis qu’elles resteront à jamais étrangères à d’autres…
En termes d’exploration de la connaissance, l’étendue du possible n’est jamais la découverte de territoires inconnus mais seulement l’approfondissement de ce que nous sommes déjà, de ce qui constitue notre personne et nos opinions. En fait de découvertes extérieures et de trophées, il n’y a que des convictions intérieures qui étaient là depuis le départ – ce qu’on savait sans le savoir – et que nous avons simplement mises à jour.
La seule latitude est de creuser plus profond, de délimiter plus nettement les contours de notre idiotie et de notre cécité. Car tout ce que nous pourrons trouver, à la fin, est la croûte plus ou moins durcie de certitude et de bêtise contre laquelle nous buttons et qui constitue notre noyau.
Je trouve avec amusement une idée un peu similaire sur l’un des sites de ma blogroll : (2ème paragraphe) http://l-autofictif.over-blog.com/article-770-42340971.html
Euh, je dois vous avouer que cela me laisse perplexe; j’ai du mal à cerner ou vous voulez en venir avec vos grandes certitudes. Il faudrait déjà voir ce que vous appelez vérité… car si ces idées que l’on croit acquérir de façon personnelle ne sont que révélées à la surface de notre esprit par quelque phénomène érodant comme l’éducation ou la propagande, alors la grande majorité des partisans du IIIe Reich avaient le gène nazi dans leur génome ?
Ou alors je fais fausse route. Quoi qu’il en soit, si vous en êtes à buter contre la croûte de bêtise qui constitue votre noyau (quel pessimisme!), je préfère envisager la situation en me disant que moi je suis toujours en train de l’enterrer, cette bêtise. Et vous direz probablement que je me suis cogné trop fort en creusant ! Sur ce, bonne semaine!
Vous lisez de grandes certitudes là où au contraire il n’y a qu’un doute sur la capacité de penser originalement et librement par soi-même.
Ce que je veux dire, c’est simplement que l’objectivité est hors de portée de l’individu, et qu’en conséquence, chacun est enfermé dans son coffre de subjectivité. Chacun ne voit que ce qui lui est donné de voir par la serrure de ce coffre. Ce coffre (ou cette tombe) peut être plus ou moins grand, la serrure plus ou moins large, vous n’en restez pas moins enfermé entre ces parois, et destiné à buter contre cette limite, quelle que soit votre hauteur, votre recul, votre ouverture d’esprit. Vous ne pouvez arriver qu’aux conclusions qui vous sont plus ou moins familières. Le foncièrement autre, le foncièrement étranger, vous est à jamais inaccessible. Il restera toujours des opinions auxquelles vous ne conclurez jamais, tout simplement parce que vous n’avez pas vécu ce qu’il faut vivre pour les envisager.
Combler sa tombe de connaissance, recouvrir sa « croûte de bêtise » comme vous projetez de le faire, revient, dans ma comparaison, à se dissimuler ses limites ! Merci pour votre message et votre humour.
Bonsoir! Tout d’abord merci d’avoir pris la peine de m’expliquer vos propos; je n’en suis que plus vivant dans le cercueil dont vous m’affublez, et c’est tout à votre honneur!
Je suis tout à fait d’accord avec vous au « sujet de cette subjectivité », excusez la formule. Il semble réellement impossible de se défaire de la subjectivité car c’est justement ce qui fait le caractère unique (enfin…) de chaque individu. D’ailleurs cela s’observe dans tous les types d’arts, de la litterature à la peinture, car il est vraisemblablement impossible de faire du « tout neuf », et chaque artiste n’arrive qu’à des conclusions qui lui sont un peu familières, pour vous citer. Et pourtant malgré cette absence d’originalité absolue, on ne peut nier que l’art « avance » (pour ne pas utiliser le terme progresse, car j’ai encore -subjectivement- beaucoup de mal avec certains types d’art contemporain du genre le point noir sur la toile blanche). Ce qui m’ammène à penser que ce problème de l’originalité de la pensée ne se pose que dans la sphère individuelle de l’homme à l’existence finie.
Mais que faire dans ce cas? Il me semble que vous envisagez les choses de façon fataliste. Pourtant, je pense qu’en réflechissant, aussi subjectivement que ce soit, et à défaut de pêcher des opinions du néant, en essayant de comprendre les causes qui font que nous portons ces opinions afin de leur vouer une confiance raisonnée et non une croyance crédule, je pense que nous pouvons étayer notre tombe de toute la raison dont nous disposons (ce que Spinoza appelerait, dans une certaine mesure, la liberté), jusqu’à un certain point où l’espace est nécessaire à notre maintien. Cela pour éviter au moins les fissures par lesquelles s’infiltre la terre, et qui dans le cas où elles ne sont comblées finissent par nous faire étouffer sous le poids de la société.
Soyez indulgent, je fais ce que je peux, mais c’est un exercice très amusant ! D’ailleurs c’est ennuyant le vouvoiement sur Internet.
Je vous souhaite une bonne soirée !