Au-delà de 40, 50 ans, le visage n’est jamais plus véritablement au repos. Lorsqu’il est « au repos », que la personne regarde distraitement dans le vide, le visage conserve en réalité une tension : une grimace figée de terreur, de malice ou de mécontentement… Toute sa vie d’adulte, le visage a tendu vers cette grimace pour finalement s’y figer définitivement. Il a pris le pli.
Peut-être ces personnes ont-elles fait cette grimace de plus en plus souvent ? Peut-être ont-elles lutté contre cette grimace ? Mais en tout cas la voilà installée et gravée. Le but, dans la vie, c’est peut-être de refuser cette grimace le plus longtemps possible, repousser le plus loin possible le moment où elle prend la place de notre visage.
Deviner quelle grimace va imprimer sur nous le cours de la vie. Déceler suffisament tôt chez soi la maladie qui nous sera fatale. Quelle marotte, quel penchant, quelle inclination ne guérira pas, quel vice de caractère nous accompagnera jusqu’à la folie puis la mort. S’asseoir à ses côtés et voir paisiblement la mort venir…
Inspiré par Céline ? En tout cas, votre article m’a immédiatement remis en mémoire ce passage du Voyage, rapidement retrouvé sur le net :
« Comme on devient de plus en plus laid et répugnant à ce jeu-là en vieillissant, on ne peut même plus la dissimuler sa peine, sa faillite, on finit par en avoir plein la figure de cette sale grimace qui met des vingt ans, des trente ans et davantage à vous remonter enfin du ventre sur la face. C’est à cela que ça sert, à ça seulement, un homme, une grimace qu’il met toute une vie à se confectionner, et encore, qu’il arrive même pas toujours à la terminer, tellement qu’elle est lourde et compliquée la grimace qu’il faudrait faire pour exprimer toute sa vraie âme sans rien en perdre. »
En effet j’ai dû être plus qu’inspiré, de façon inconsciente. Je l’ai lu il y a une quinzaine d’années, j’en avais noté des passages, exprimant des idées assez proches d’ailleurs, mais pas celui-là précisément.