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On dirait qu’il y a des gens qui croient vraiment que pour ce qui les concerne, le temps des guerres est terminé, la conscription est derrière eux, ils n’auront plus à tuer ou à se défendre, il y aura toujours quelqu’un pour le faire à leur place.
On dirait qu’il y a des gens qui croient que les uns n’en veulent plus aux autres ou à leurs possessions, que les rapports entre groupes ou nations sont tout entiers régis par des lignes de texte, que les frontières sont fixées par le Larousse.
On dirait qu’il y a des gens qui croient que les guerres civiles sont bonnes pour l’Afrique ou le 20ème siècle, mais qu’eux sont arrivés, n’ont plus à défendre leur pain ou chiper celui du voisin, que tout ce qu’il leur reste à faire, c’est observer, commenter, condamner, s’indigner, « J’aime / J’aime pas »… et voter en conséquence.
Il y a encore 100 ans, les réalités, les codes, les hiérarchies, imprégnaient suffisamment la société pour que le civil arrive à jouer, le moment venu, le jeu de la guerre. Mais aujourd’hui ? Quel homme de 22 ans irait planter une baillonnette dans la chair d’un autre ? Quel parti majoritaire oserait tenir un discours guerrier ? Paris serait pris plus rapidement qu’en 1940. Un belligérant qui entrerait chez nous, par les Ardennes ou ailleurs, ne verrait peut-être même pas de défense ni de débâcle ! Seulement un tohu-bohu de prises de positions, réactions outrées, contre-polémiques, pour ou contre, « dérapages », projets de loi… Il n’aurait qu’à laisser passer tout cela et il serait chez lui.
On se demanderait pourquoi les américains ne sont pas déjà là pour nous sauver…
Sans rire, est ce que c’est grave? je me pose vraiment la question.
Si on est attaqué demain, on répondra par l’arme atomique puisque c’est tout ce qu’on a, notre armée professionnelle étant déjà éparpillée sur le globe, là où faire la guerre est une réalité.
Mais si on est attaqué demain ce sera de loin aussi. Je crois que nos voisins sont dans la même situation que nous, aussi incapable de se défendre contre une invasion « à l’ancienne » que de nous attaquer par une invasion « à l’ancienne ». Si on est en guerre demain, ici, ce sera par une arme moderne, lancée de loin ou tombée d’un avion, non?
C’est pour ça que je me demande si c’est vraiment important.
Bien sûr j’occulte le point qu’on serait incapable de se défendre non pas parce qu’on n’est pas prêt mais parce qu’on ne ferait que parler, prendre partie, polémiquer, s’insulter, gueuler… enfin on ferait les Français! looool
Au vu de la propension des français de se diviser et de polémiquer il est possible qu’on se fasse envahir avant que nous ayons eu le temps d’organiser des :
– Etats généraux
– Grenelles
– Observatoires
– Moratoires
Sinon, il ne faut pas oublier que la seconde guerre mondiale c’était il y a 70 ans. Ce n’est rien à l’échelle des 2000 ans du Christianisme. Et ce n’est pas Facebook, l’iPhone ou Avatar qui nous prémunissent de conflits futurs qui arrivent toujours par le bais d’événements en cascades pas toujours aisément prévisibles.
Je pense que ce qui est « grave », c’est de remiser complètement son instinct de défense, son acuité vis-à-vis du danger, de ce qu’on a à perdre. Parce que d’autres, qui vivent sur la même planète que nous, ne les ont pas perdus du tout, eux.
Comme le fait remarquer Vlad, 70 ans c’est une parenthèse dans l’histoire occidentale. Les hommes se sont toujours écharpés, plantés, dézingués (« Thanatos », comme le citait une lectrice).
Notez que pendant ces 70 ans, un semblant d’ordre international existait, qui a implosé au début des années 2000. Notez que ce n’est pas parce qu’il a fallu 60 ans pour construire « l’Europe » qu’elle veut dire quelque chose et qu’elle ne peut pas exploser sur un coup de tête. Notez aussi qu’il y a tous ces pays qui atteignent le stade du développement et qui n’ont pas encore eu leur heure : allez leur expliquer que l’ère des conflits est terminée, qu’il ne faut pas reproduire ce qu’on leur a fait subir ou que l’on s’est fait subir à nous-mêmes, et que le vrai développement c’est de continuer à acheter nos produits…
Ma lectrice « Thanatos » apporte comme à son habitude de l’eau de 1ère qualité à mon moulin en m’envoyant un texte de Grégory Benichou, agrégé de philo et docteur en biologie moléculaire (s’il vous plait) dont voici un extrait :
« La vie des individus est brève, mais elle ne sert qu’à produire d’autres vies. L’individu n’est rien. L’espèce le commande. Et la loi d’équilibre commande l’espèce. (…) La pulsion Eros relève d’un plan naturel, tout comme Thanatos qui incline les vivants à se déchirer par les conflits de tous ordres. Comme l’attirance sexuelle, la guerre est un phénomène éthologique naturellement programmé. Les guerres nationalistes ne sont pas causées par les nationalismes. Les guerres idéologiques ne sont pas causées par les conflits d’idées. Les guerres économiques ne sont pas causées par une soif de richesse. Ces causes (…) ne sont pas les causes véritables des guerres, mais seulement leur occasion. Il n’y a pas des guerres, mais seulement La Guerre. La Guerre est d’abord un phénomène biologique. (…) Il naît, dans toute espèce vivante, beaucoup plus d’individus qu’il n’en peut survivre. Pour se nourrir et subsister, chaque individu entre en concurrence avec les autres. (…) D’un côté, la Nature répand le règne de l’amour et, par la frénésie sexuelle, favorise le pullulement des vivants. De l’autre, elle orchestre une gigantesque boucherie pour réprimer, contenir et orienter sa progression. L’antagonisme n’est qu’apparent. (…) La vie, telle que nous la vivons, telle que nous la connaissons, se ramène à deux passions que l’homme expérimente chaque seconde dans son for intérieur : l’amour et le meurtre. Ces deux inclinations, que l’on attribue au vouloir souverain du moi, expriment les effets d’un ordre préétabli, d’une loi naturelle, d’un programme. »
C’est gai non ?
Le Docteur Benichou expose son explication de la polémologie.
L’instinct, l’aspect « ordre normal des choses », de la guerre et du meurtre dans sa réflexion, je le comprends bien mais je ne sais pas s’il existe toujours dans les populations qui ont également perdu l’objectif absolu de renouvellement de l’espèce.
Suis-je claire?
Est ce que le fait que notre société ne se renouvelle pas suffisamment, pourrait expliquer la perte du sens de la guerre, si je peux dire ça comme ça? Alors pour les autres populations qui continuent à enfler en nombre, il leur en « faut » une. Rebondissement plus terre à terre parce que je ne suis pas philosophe: entretenir les troubles sur les territoires de ces populations est une stratégie judicieuse du coup non?
Pour revenir sur le sujet d’origine, il est vrai que nous ne sommes pas aptes à nous défendre chez nous et lorsque je demande si c’est grave en tempérant parce que matériellement on ne peut guère être attaqué par une invasion, c’est parce que j’ai une bonne idée de notre équipement et arsenal militaire de défense déployés. Que le citoyen français lambda ait perdu « son instinct de défense, son acuité vis-à-vis du danger » c’est dommageable, simplement parce que le meilleur moyen d’entretenir la paix est d’afficher les capacités de se battre (voire de gagner) et ce n’est pas notre cas, loin de là.
Peut être bien que, d’un certain côté, je pêche parce que je fais trop confiance à l’Europe et c’est naïf.
Vous avez raison, si on suit la logique du Dr Benichou, l’instinct de mort devrait s’équilibrer (et s’éteindre) avec l’instinct de vie (cf. la baisse de la fécondité du « monde développé »).
Je pense, moi, que de nombreux hommes de 22 ans seraient ravis d’aller planter une baïonnette dans la chair d’un autre, précisément parce que les pulsions meurtrières sont solidement et biologiquement ancrées, et que chez certains le vernis ne demande qu’a être gratté. Mais comme Kahazara , je pense aussi que le « sens de la guerre » dans nos pays occidentaux a été bouleversé avec l’arme atomique. Il y a cette idée qu’un nouveau conflit impliquant notre civilisation se soldera rapidement dans un gros champignon nucléaire, et qu’il ne sera nécessaire à personne de prendre un fusil. Einstein disait : « je ne sais pas avec quoi se fera la 3eme guerre mondiale, mais la 4eme se fera avec des bâtons et des pierres. » Les survivants devront donc peut-être se remettre à l’entrainement…
Avec un peu de retard et beaucoup de réflexion : pour moi, ce qui est « héréditaire », « congénital », ce n’est pas tant l’envie irrépréssible de s’étriper et de voir couler le sang que d’empiéter sur les plate-bandes du voisin. L’Empire romain a toute la place qu’il faut mais ça le démange quand même d’emmerder le petit village gaulois au bout. Et Trouville-le-haut se disputera toujours le bout de ruisseau avec Trouville-le-bas…
Cette tendance naturelle, chacun l’a en soi. La conclusion, c’est qu’il faut lutter contre la sienne, mais AUSSI qu’il ne faut pas sous-estimer celle du voisin, ne pas baisser la garde ou être naïf sur ses intentions. Il y a en effet une idée de « dissuasion », nucléaire ou pas.
Sinon, j’aime bien ta citation, je ne la connaissais pas.
Huntington prétendait en 1991 que c’était « la fin de l’Histoire » et paf! 11-09-2001 et les attentats des Twin Towers sont arrivés, et c’est reparti pour un tour… j’aimerais voir ce qui arrivera lorsqu’il n’y aura plus de pétrole, hélas je ne serai plus là!