Profession : ratés

C’est amusant : professionnellement les gens sont toujours le raté d’un autre.

Un prof de sport, c’est un jeune espoir de l’athlétisme qui s’est ruiné la rotule. Un conseiller municipal, c’est un maire pour qui personne n’a voté. Et un capitaine de ferry, ce n’est pas Porquerolles ou l’île d’Oléron qu’il visait à l’horizon : c’était le détroit du Bosphore, le canal de Panama, les eaux de l’Antarctique… A bord d’un cargo !

De la même façon, il est complètement improbable qu’un éditeur ne soit pas, en réalité, quelqu’un qui a des projets de romans à lui plein la besace. Quelqu’un qui ne veut être éditeur que de lui-même au fond, c’est-à-dire écrivain.

Oh, des éditeurs qui ne sont pas des écrivains ratés, il y en a. Les éditeurs de manuels scolaires par exemple : ceux-là rêvaient dès le départ d’être éditeur. Mais plutôt chez Gallimard, dans un bureau élégamment vieillot décoré de portraits de Beckett, Yourcenar, Faulkner, en noir&blanc… Et non pas chez Hachette, dans un bureau encombré de présentoirs pour Passeport CE2 !

Et ne croyez pas que le scénariste BD soit quelqu’un qui vive son rêve : il tuerait au contraire pour faire autre chosesavoir manier le crayon. Le scénariste BD regarde son dessinateur avec rancœur et envie. Dessinateur qui pour sa part, donnerait tout pour faire autre chose que gribouiller des Mickeys ! Lui a toujours rêvé d’être Van Gogh, sans jamais y parvenir.

Et Van Gogh lui-même, il ne fait pas de doute qu’il aspirait à tout autre chose qu’à la peinture ! La peinture, l’oeuvre qu’il est parvenu à réaliser, toute colorée qu’elle soit, comme elle devait lui paraître fade, frustrante ! Fade, par rapport au sublime qui jaillissait et éclaboussait dans sa tête.

C’est amusant.
C’est drôle.
C’est drôle et c’est d’un triste !

6 réflexions au sujet de “Profession : ratés”

  1. Triste comme tous les médecins de la médecine du travail que j’ai rencontré. Sans doute parce qu’ils se voyaient neuro-chirurgiens de renommée mondiale.

  2. la sélection négative. On vote parait il rarement POUR un candidat, mais CONTRE son adversaire.
    Pas forcément tragique. Peut être que le hasard choisit à votre place ce qui vous convient le mieux… et vous délivre de certaines idées fixes…la sagesse populaire dit qu’à quelque chose malheur est bon…

  3. @emma : bienvenue ! « Sélection négative » implique que les gens font un choix or j’ai plutôt l’impression que si les gens en arrivent là, c’est passivement, par la force des choses. On a un vague rêve, vers lequel on s’oriente, peut-être trop mollement, sans assez de détermination… Et on s’échoue sur une plage à mi-chemin, une plage forcément plus grise que l’horizon qu’on visait. On s’approche de son rêve, mais cet entre-deux, ce compromis ne ressemble finalement pas du tout à ce qu’on veut initialement.
    @vlad : la médecine est en effet certainement un terreau fertile à ce genre de désillusions. Notamment parce que l’idéal initial est noble et que la réalité peut être glauque. Dentiste, par exemple : la mienne est adorable mais franchement, se peut-il honnêtement qu’on souhaite être dentiste ? Qu’on rêve de passer ses journées le nez dans la bouche des gens ? Le dentiste est un chirgurgien-sauveur-de-vies qui s’est échoué sur la plage. Ou quelqu’un qui préfère le fric qu’un boulot intéressant ! 🙂

  4. Je connais un dentiste qui a savamment su allier son goût pour le bricolage et son envie d’indépendance. Par ailleurs je préférerais être dentiste que gynécologue ou encore proctologue…:)

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