« La grande fatigue de l’existence n’est peut-être en somme que cet énorme mal que l’on se donne pour demeurer 20, 40 ans, davantage, raisonnable, pour ne pas être simplement profondément soi-même, c’est-à-dire immonde, atroce, absurde. Cauchemar d’avoir à présenter toujours comme un petit idéal universel, surhomme du matin au soir, le sous-homme claudicant qu’on nous a donné. »
Louis-Ferdinand Céline, dans Voyage au bout de la nuit.
Ok…
A ce que Louis-Ferdinand Céline écrit dans cet extrait, j’ai envie d’ajouter qu’à partir de ce constat qu’il est fatiguant de « demeurer 20, 40 ans, davantage, raisonnable, pour ne pas être simplement profondément soi-même, c’est-à-dire immonde, atroce, absurde », il est possible de prendre une vraie décision. Décision d’accepter de regarder l’immonde, l’atroce, l’absurde qui est en soi pour le rencontrer et en dégager les racines profondes.
Il est effectivement fatiguant de mettre sous cloche ces aspects de soi, largement partagés par nos pairs. Mais il est autrement fatiguant de s’en occuper vraiment. Mais c’est la fatigue du bûcheron, ou de la femme qui accouche : effort non vain, temporaire, qui donne un résultat bénin.
Et l’existence dont parle l’auteur est celle de l’occidental, héritier de la négation de l’invisible au fil des siècles. Existence mécaniste, coupée des émotions et de la relation à soi.
Il y a un choix effectivement, entre et d’une affronter la nature immonde, atroce et tellement d’autres choses qu’est la nature humaine…et de deux, la nier pour entrer dans une réalité existentielle mécaniste, rentable, productive. Efficace. Mais n’élevant pas l’homme au rang qu’il a de fait, une merveille à l’instar de tout le règne Vivant qui couvre la planète.
A toi Xix qui a sélectionné cet extrait en ce dimanche matin, à toi qui considère aussi que l’être humain est une partie du Vivant qui a toute sa place, qui est belle et qui mérite d’évoluer harmonieusement dans sa relation à elle-même et ses interdépendance avec le reste du Vivant…
Oui à toi, je demande ce que tu as choisi entre la vision de Céline (du moins dans cet extrait) et la vision qui va plus loin, qui correspond à une certaine foi en la victoire sur les démons qui habitent les psychés humaines, démons atroces, immondes et que sais-je…
Je ne sais que choisir !
A moi, cet extrait évoque plutôt une question de « laisser-aller » : ce que l’être humain a de beau est sans doute en partie révélé grâce au regard des autres, qui l’empêche de se laisser aller et le pousse à se surpasser. Regard des autres et également regard sur soi, car à soi aussi on se joue un personnage, plus reluisant que celui qu’on est vraiment. Notre personne est ainsi l’addition confuse de :
– ce qu’on est vraiment,
– ce qu’on croit être,
– ce qu’on fait croire aux autres qu’on est…