Pas copains d’avant

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Une fois entrés dans la vie professionnelle, nous ne pouvons faire autrement que de côtoyer, par moments, des gens vers qui nous ne serions jamais allés naturellement. Des gens avec qui nous n’aurions rien eu à faire en temps normal. Des « pas comme nous », sensiblement incompatibles, dépourvus de l’aspérité qui permet de nouer relation. Nous n’avons pas grand chose à faire avec eux mais voilà, il nous faut travailler avec eux.

C’est ainsi qu’on se retrouve à « connaître » quelqu’un depuis plusieurs années, sans avoir aucune envie de le connaître. Ce n’est pas de l’antipathie car nous n’avons pas de vraie raison de lui en vouloir ; ce n’est pas non plus de l’indifférence car on sent bien malgré tout qu’on n’a pas de désir de sympathiser, qu’un principe actif nous maintient distants et fait en sorte qu’au bout d’années de vie commune, il ne se soit jamais trouvé une occasion pour se rapprocher de cette personne ou échanger avec elle.

A l’école non plus, nous ne choisissions pas nos camarades, mais enfin la cour était suffisamment grande pour ne pas fricoter avec untel si ça ne collait pas : on pouvait se retrouver plusieurs années de suite dans la classe d’un élève sans jamais lui avoir dit autre chose que « bonjour », et sans non plus que cela créé un casus belli, car les choses étaient plus claires alors ; on se reconnaissait d’instinct selon qu’on soit du genre « fond de la classe » ou « premier rang », on vivait à part mais côte à côte, l’affaire étant plus ou moins entendue.

Dans la vie adulte ou professionnelle, c’est plus délicat. On ne vous demande pas de copiner mais la correction exige un minimum de relation avec chacun. Aussi, lorsque la situation est trouble, lorsqu’il y a ce petit quelque chose qui cloche avec une personne qu’on ne « sent » pas, il est parfois efficace de se mettre à imaginer : qui aurait-il été s’il avait été dans ma classe ? Le défaut, alors, prend soudain forme reconnaissable : derrière un comportement, une manière, un phrasé, vous reconnaissez Clotilde Reymondier, cette fille de votre classe qui sortait toujours d’examen catastrophée, hurlant aux larmes qu’elle s’était plantée, demandant à être consolée, rassurée, et qui trois jours plus tard récoltait la meilleure note, jetant aux autres un regard mi-contrit mi-amusé. Oui, c’est bien elle ! Votre collègue est de cette race là. C’est évident maintenant. Voici pourquoi vous ne pouvez pas vous entendre, pourquoi vous vous croisez à la machine à café sans jamais savoir quoi vous dire : elle a sans doute été ce genre de chipie avec qui vous ne traîniez pas.

A son tour, votre responsable des ventes prend les traits d’un type précis d’élève qui vous horripilait pour une raison définie : il appartient très nettement à tel groupe d’étudiants, aurait été ami avec tel et tel que vous méprisiez… Quant à ce collègue tête-à-claques et capricieux, il n’est ni plus ni moins – mais c’est bien sûr ! – la continuité naturelle de ce gosse de riche, en classe de cinquième, qui faisait scintiller sa montre à quartz et son blouson Teddy.

Tout se règle dans la cour de l’école.

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