Les yeux grands fermés

J’ai coupé la télévision depuis bientôt un an, et voilà bien plus longtemps encore que je n’ai plus l’occasion de paresser dans mon salon le dimanche à l’heure qui précède le déjeuner. Aussi, avais-je totalement oublié l’existence de ces jeux télévisés du midi, où l’on gagne bêtement de l’argent en pleurant de façon hystérique sous une pluie de confettis et sous l’œil ravi de Philippe Risoli ou de Jean-Luc Reichman.

En rallumant le poste l’autre jour, j’ai retrouvé ces jeux dans le même état. J’aurais imaginé qu’ils avaient disparu dans les années 90, dépassés par l’évolution des choses, simplement plus au goût du jour et remplacés par des succédanés plus modernes… mais non : à ma plus grande stupéfaction tout est en place, en ordre, intact ; le jeu, le type de décor est le même, les gens, les candidats rigoureusement les mêmes, le même type de personnes avec les mêmes habits.

Qui sont ces gens ? Comment se trouve-t-il encore des volontaires pour participer à ce monde-là ? Et même en admettant qu’ils soient restés vissés au monde télévisuel tout ce temps : pourquoi en sont-ils restés à cette télévision-là ? Comment n’ont-ils pas évolué et franchi les stades de vulgarité ultérieurs que la télévision a proposés depuis ? Mystère. Je les regarde comme des ptérodactyles issus d’un Monde Perdu. Ils continuent et persistent à faire le grand voyage, tels les oiseaux migrateurs ou les gnous du Masai Mara, ils perpétuent le rite de se déplacer pour participer ou assister à un jeu télé, comme s’ils n’étaient pas au courant que la télévision n’existe plus

Migration des gnous

Voir revivre ces imbéciles vieilleries, en tout cas, revivifie une conviction que j’ai sans doute déjà distillée dans plusieurs articles, mais qui mérite d’être répétée : profiter de l’inexistence des chosesÉnormément de choses laides encombrent notre vie mais sont en réalité purement fictives, inexistantes pour peu que nous le voulions bien. Les émissions télé n’ont pas d’existence tant que votre télé reste éteinte. Éteignez, et une somme de petites choses bêtasses – pubs, slogans, sourires de présentateurs, débats tordus… disparaissent de la surface. N’ouvrez pas le journal gratuit qui vous est tendu le matin, rejetez-le et vous neutralisez la photo pleine page de Jean-François Copé ou le tweet crétin du jour, en les réduisant à néant.

Notre époque a ceci de caractéristique qu’elle nous tient éveillés par une agitation permanente pour nous maintenir endormis ; il est donc logique qu’a contrario, il faille savoir fermer les yeux pour distinguer à nouveau un peu de réalité. Cela peut sembler bête, idiot de le dire, et pourtant la gymnastique n’est pas aisée : la vie est pleine de ces gens qui, bien que déplorant la médiocrité et la laideur, cèdent, finissent par jouer le jeu. Un jour, ils paient de leur poche pour un concert de Philippe Katerine. Comme ça. Pour « s’éclater » ou par « curiosité ». Pire : par dérision ou au second degré ! Ne participez pas, ne donnez pas le moindre euro, jamais. Ne contribuez pas, ne relayez pas, surtout si c’est pour critiquer. Ne faites pas exister la laideur, tout simplement. « Miley Cyrus est vulgaire » ? Oui, et vous n’avez pas envie de le savoir. Ne cliquez pas sur le lien et vous ne saurez jamais qui c’est.

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