Parce qu’il est né à Marseille, parce que c’était en 1927, parce qu’avant tout il avait l’étrange passion de plonger sous l’eau, Albert Falco est devenu au fil de ses rencontres ni plus ni moins un pionnier de l’océanographie et l’un des inventeurs du monde sous-marin tel qu’on le connait. Une sorte de Christophe Colomb des profondeurs, en somme.
Etre pionnier d’une aventure historique, cela demande parfois simplement d’être au bon endroit au bon moment : né 50 ans plus tôt ou plus tard, Falco aurait été simple pêcheur de poulpes, ou bien maître-nageur… Né à Lons-le-Saulnier, sa passion et ses économies auraient peut-être été englouties dans l’équipement d’une Renault 5 Sport… Bon endroit, bon moment, et surtout détenir cette petite folie, cette petite bêtise qui pousse à trouver son épanouissement dans une activité aussi « futile » que la plongée, à une époque où cela ne constituait ni un loisir ni un débouché professionnel, où le reste du monde avait autre chose à faire…
Ce n’est pas nous, c’est certain, qui pourrions être pionniers de quoi que ce soit, avec notre manie de déplorer tout ce qui est nouveau. Ce n’est pas nous qui ferions émerger quelque discipline nouvelle pour lui donner ses lettres de noblesse. A l’époque, nous serions restés sur la digue, à observer Falco enfiler son masque et ses bouteilles en nous gaussant de la vacuité de son destin, nous demandant à quoi il rimait… Nous serions passés complètement à côté comme nous passons à côté des audaces contemporaines.
Toute nouveauté, toute lubie, tout caprice moderne se présente à nos yeux d’abord sous les habits du ridicule et de l’absurde. Nous finissons parfois par les adopter, plus tard, bien plus tard, lorsqu’ils sont répandus et qu’il n’est plus temps de briller dans ce domaine par sa précocité ; nous les adoptons plus tard, trop tard, lorsque la conformité l’exige, et en clopinant encore !
La Découverte de Lons-le-Saulnier (39)
C’est ainsi. Nous ne sommes découvreur ni précurseur en rien. Nous laissons filer devant nous les modes, les technologies, les nouveaux usages, les nouvelles formes, en un mot le neuf ; kite-surf, interfaces numériques, TV on Demand, théories scientifiques ou sociales… Nous sommes ce qu’il convient d’appeler un « vieux con » (et c’est malheureux quand on connaît notre âge !). C’est ainsi et nous n’avons ni tort ni raison : comme il y a des myopes et des presbytes, nous voyons trop loin ou trop près. Le neuf de la nouveauté nous semble toujours plus artificiel que celui de l’éternité. Nous cherchons la sève dans les racines et les vieilles branches et piétinons les jeunes pousses et les fleurs. L’attrait, nous le trouvons dans un vieux riff de blues qui revient éternellement raconter la même histoire, plus que dans les derniers rythmes et trouvailles électroniques.
C’est ainsi et ce n’est pas grave. Je n’ai ni tort ni raison. Ne m’attendez simplement pas pour inventer la roue : je vais être un peu en retard !