Crise

Je fais peut-être partie d’un cercle de privilégiés me direz-vous… mais cette crise dont on parle depuis 2008, cette « crise » ne me fait aucun tort : je me porte plutôt bien ! Oh, économiquement, j’ai bien eu une petite passe difficile, juste avant « la crise »… Mais raisonnablement je serais gonflé de me plaindre ! Car je dois bien le reconnaître : malgré toute l’énergie que le monde emploie à me convaincre du contraire depuis plus de 2 ans maintenant, je me porte à merveille !

Deux ans que j’entends parler quotidiennement de gens « frappés par la crise », tombés au chômage ou suicidés parce que trop forte pression économique… Ou bien d’astuces pour faire des économies de bout de chandelle… J’entends dire que « les gens » se serrent la ceinture, ont le moral en berne… Mais je ne vois rien de tout cela ou pas grand chose. Je ne constate pas de changement par rapport à quand ça allait bien. Sinon dans les sujets de conversation, de reportages tv, ou dans les arguments des commerçants…

J’ai conscience que cela peut paraître indécent de le dire si posément mais je l’avoue tout net : je ne suis pas en crise, et autour de moi je ne vois personne vraiment « en crise ». Ou bien je ne sors pas assez de chez moi ? Mais cette « crise », censée être la pire depuis 1929, je lui trouve pâle mine. A côté, les photos d’Américains du siècle dernier en noir et blanc ont tout de même plus de gueule. Cette crise, « qui devra amener inexorablement à poser la question de la réforme du capitalisme » (est-ce que les journaux qui écrivent ça le croient vraiment ?), me donne plutôt l’impression que tout va continuer comme avant. Que « la crise » est simplement la couleur de fond de ces 3 ou 4 années, comme la mode a ses saisons.

Bientôt il faudra changer le disque. 

Alors bonne année ! Avec une petite pensée pour ceux qui seraient vraiment dans la panade…

Trente-et-un décembre

Le 31 décembre, avec son sempiternel réveillon qui revient impitoyablement, est toujours l’occasion d’observer cette curieuse dynamique : l’homme est lui-même à l’origine de ses soucis et nous sommes les artisans de notre malheur.

Car le 31, tout le monde s’accorde à dire que c’est une tannée, une obligation qui nous est infligée annuellement, que d’une part il y a le souci de trouver son 31, de s’inquiéter d’en prévoir un, et d’autre part la garantie d’une soirée poussive, d’une fête plus ou moins ratée. Et malgré ce constat unanime, chacun continue à s’y plier, à se coller un réveillon année après année. Ça ne vient à l’idée de personne de se dire « merde le 31 ! ». Pas de réveillon. Soirée chez moi, à lire ou regarder la télé. Coucher à 23 h 30, et on attendra demain pour dire bonne année. Non, au lieu de ça, tout le monde s’oblige. Toute la vie jusqu’à ce que mort s’ensuive. Toute la vie, tout le monde s’attèle à faire une chose qu’au fond il n’a pas envie de faire. Et avec le sourire !

A lire : Houppeland de Tronchet

Nous avons là le mécanisme qui entraîne la plupart des situations dont nous nous plaignons : à de nombreux égards nous sommes les architectes de notre malheur. Les gardiens et les animateurs de notre malheur. Il n’y a qu’à voir l’énergie faramineuse que nous déployons chaque jour pour nous lever, et nous relever. Pour nous motiver, pour nous convaincre, pour repartir, pour reproduire les mêmes gestes. Pour remplir les formalités et les obligations. Tous les jours nous faisons des pieds et des mains pour nous maintenir dans le train-train que l’on prétend détester. Pour qu’il ait une suite, un lendemain, puis un autre, puis un autre…

Nous sommes coupables de cela : de notre attentisme, de notre passivité, mais aussi et surtout de notre persévérance et de notre pugnacité à entretenir cela. Changer semble souvent au-delà de nos forces mais en réalité c’est continuer qui demande l’effort le plus persistant et en fin de compte le plus coûteux.

Imaginez un instant que l’on déploie la même énergie à faire ce qui nous plait. Autant d’heures et d’efforts à ramer dans notre sens. Que de réalisations !