Parmi les arguments du végétarien pour ne pas manger de viande, figure l’invitation à dépasser un « anthropocentrisme » par trop borné : l’homme serait un animal comme un autre et à ce titre, ne devrait pas se sentir supérieur de quelque façon, ni traiter les autres animaux comme des produits à sa disposition.
Ce zèle à se mettre à la place de l’animal, à se penser comme animal, relève justement d’un terrible fourvoiement anthropocentriste. Car « penser à la place de », considérer l’autre et se mettre à sa place, est bien le privilège exclusif de l’homme. C’est justement parce que nous ne sommes pas « un animal comme les autres » que cette empathie nous est possible.
L’animal, lui, fonctionne sur un mode foncièrement opposé : il ne cherche jamais à penser comme quelqu’un d’autre que lui-même. Au contraire, tout ce qui l’environne est soit pensé comme quelque chose pouvant potentiellement se rapporter à lui, soit pas pensé du tout. Son propre est de n’admettre l’existence de l’autre que comme moyen en vue de ses fins.