« Anarchistes de droite » ou « Hussards » furent en leur temps des catégories que l’on élabora pour réunir, a posteriori et de façon imparfaite, une famille d’auteurs qui avaient quelque chose à voir les uns avec les autres, sans qu’on sache toujours dire quoi exactement.
A leur suite, il sera bientôt nécessaire de baptiser un cercle que je vois progressivement se former, en pointillés, et que l’on pourrait appeler les Irrécupérables. Dans ce cercle, qui n’est pas limitatif, je ferais entrer Christopher Lasch, Michel Clouscard, José Ortega y Gasset, Michel Houellebecq sans doute, Philippe Muray, Baudoin de Bodinat, pourquoi pas René Girard, et à présent Jean-Claude Michéa. Là encore on ne saurait trop dire précisément pourquoi.
Chacun d’eux, à sa manière, semble toucher du doigt un même aspect de la réalité moderne, évanescent et difficile à fixer. Chacun avec ses moyens, par l’essai, le roman, le billet d’humeur voire la poésie. Et à eux réunis, ils décrivent ou permettent de comprendre de manière incisive la majeure partie de la condition où nous en sommes arrivés à vivre.
Ils sont assez parfaitement irrécupérables parce que pas sortables, trop hérétiques, trop révélateurs. Irrécupérables aussi parce qu’ils se tiennent à l’écart et ne peuvent tout à fait entrer dans les classifications communes. Ils sont ni-de-droite-ni-de-gauche tout en étant un peu de droite quand même. Le dernier admis, Michéa, est intéressant en ce qu’il concentre le plus fortement les traits communs au reste du groupe. Il est sans ménage, porte des attaques profondes, mais tout à la fois raisonnable et calme. C’est un ni-de-droite-ni-de-gauche de droite, comme les autres, et qui se paie en plus le luxe d’être de gauche.