Injonctions publicitaires


Sprite – « N’écoute que toi ! »

Parfois,  sur sa lancée, la publicité se laisse emporter par son euphorie. Parfois, telle une femme qui aurait bu une coupe de trop, la publicité se trahit, lâche malencontreusement un message qu’elle gardait tu.

Vous allez l’aimer oui ? l’avenir que je vous réserve ! De gré ou de force !

Au détour d’une expression, à l’intersection de mots équivoques, jaillit un message crypté. Soudain le signifié revêt malgré lui une dimension supplémentaire, toute autre, le slogan devient porteur d’un projet qui, à y réfléchir, fait froid dans le dos.


« Votez pour votre gueule ! » – négation de l’idée même
de politique, d’intérêt général…

Soudain, le décorum et la sympathie publicitaires s’effondrent et laissent place à l’effroi publicitaire : un message tout cru qui vous extrait de votre sommeil. Au moment où vous étiez prêt à mordre dans la poire pourrie, vous vous dites soudain « wow… ce n’est pas ce que je veux ».

Diesel – « Be stupid ! » :

Face à l’injonction d’une publicité dont on est victime (« Changez vos habitudes », « Et si on était plus malins ? »…), il est bon pour la santé de rétorquer un « Non ! » franc et massif, ou un « J’fais c’que j’veux » de bon aloi. Dans sa tête, bien sûr.

Contre les jeux de mots des affiches de films d’animation

Depuis qu’on ne fait plus les dessins animés pour les enfants mais pour leurs parents attardés, une règle s’est faite jour : l’affiche doit comporter un gros jeu de mots à 2 balles (pour attirer les jeunes parents décalés amateurs d’humour à la sauce Canal+).

Il n’y a pas un film d’animation – pas un – qui échappe à la règle :

« Même les petits poissons ont de gros sushis » ! Sushi/Souci : très bon !

Personne mais on n’allait pas laisser passer ce bon jeu de mots !


Flammes/Chaud… Ah oui d’accord ! TRES bon ! TRES TRES bon !

Vous voyez le truc ? LOL !

« La CROQUETTE de l’Ouest » au lieu de la « CONQUETE » !
Parce que le mec c’est un chien tu vois ! Pfffrrr !

Et le trio gagnant :

… vous êtes encore là ?

Ce qui est remarquable, c’est le systématisme. Il n’y a pas de hasard : sur ces grosses productions, si le petit jeu de mots est là c’est le fruit d’une stratégie.
Il y a dû y avoir, une fois, un type qui a sorti une bonne vanne pour Nemo, on a trouvé ça drôle alors on l’a mis sur l’affiche. Pour le suivant, on a voulu faire encore mieux : plus drôle, plus déjanté. Il y a eu surenchère. A la longue on n’a plus su pourquoi mais c’est devenu obligatoire : il fallait un jeu de mots sur l’affiche, pas forcément drôle mais un jeu de mots.

Aujourd’hui, pour chaque film, il y a une équipe de promotion qui planche sur ce jeu de mots. On ne peut pas sortir le film avant d’avoir trouvé la vanne de l’affiche. Il faut imaginer des gens qui se réunissent dans des bureaux pour y réfléchir. Un jeu de mots. Pas forcément drôle, juste que ce soit un jeu de mots : 

– Qu’est-ce que vous proposez pour l’affiche du film « Robots » ? 
– « Métro-boulon-dodo » ? « Boulon » parce que comme ce sont des robots tu vois…

Et toute l’équipe garde son sérieux, ajuste ses lunettes et regarde le chef de projet noter l’idée sur le paperboard. Ils ne savent plus pourquoi au juste ils cherchent un jeu de mots, et savent encore moins qu’ils font peut-être du mal au film en faisant ça : peut-être que de plus en plus de gens, irrités, consternés, tournent les talons quand ils voient quelque chose comme « Même les petits poissons ont de gros sushis ». Prennent les jambes à leur cou.