Syndrome de Shrek

Le syndrome de Shrek, c’est cette tendance des films animés et des images de synthèse à représenter le moindre détail dans tout son réalisme y compris le plus dégueulasse. Désormais, tout y passe : chaque poil, chaque dent, chaque pore de la peau est visible à l’écran, plus vrai que nature. Chaque détail a sa texture ultra-réaliste : le pull est en tissu fibré, l’arbre est en bois, le cuir est en cuir… Le moindre cheveu est représenté individuellement, avec son mouvement et sa brillance, aussi net que dans une publicité pour shampooing… si bien que là où on est censé voir une chevelure soyeuse de princesse, on finit par avoir la sensation d’être un pou au milieu de son environnement capillaire.

J’imagine que c’est une tendance provisoire, un caprice de technicien qui se fixe des défis : artistiquement ça n’a aucun intérêt, mais puisque la technique peut le faire, elle le fait. Je me suis retrouvé un jour à discuter avec un employé de Pixar qui m’expliquait que sur un film, des équipes entières étaient dédiées à un détail. Une équipe entière bosse par exemple sur la chenille du petit robot Wall-E, et uniquement là-dessus. Texture, comportement, mouvement… Ils font en réalité un travail d’ingénieur, avec la même précision que s’ils devaient produire la pièce mécanique.

J’imagine que c’est une tendance et elle ne me dérange pas outre mesure car je ne vois jamais ces créations autrement qu’en tombant nez-à-nez avec les affiches et leur laideur. Je constate simplement que l’animation, discipline jusque là dédiée à l’onirisme et au fantastique, devient adulte, réaliste et désenchantée au fur et à mesure qu’elle se sophistique. Tout se « raffine » dans le sens du réalisme trivial, jusqu’à atteindre ce mélange entre l’enfantin et le malsain, comme dans ces immondes publicités Orangina avec les « animaux sexuels ».

Pendant que les enfants se régalent avec des jeux vidéo de guerre, de vie sociale et autres sujets de grands, les dessins et les animations se concoctent pour les adultes. Pendant que le virtuel colle à la réalité la plus plate, la réalité, elle, s’édulcore. Pendant que le syndrome de Shrek ajoute des poils et des boutons aux créatures virtuelles, les visages réels d’êtres humains, eux, se cartoonisent !