« Nous détruisons chaque jour des mots »

Georges Orwell dans 1984 :

« Vous croyez, n’est-ce pas, que notre travail principal est d’inventer des mots nouveaux ? Pas du tout ! Nous détruisons chaque jour des mots, des centaines de mots. Nous taillons le langage jusqu’à l’os. (…)

Il y a des centaines de noms dont on peut se débarasser. Pas seulement les synonymes, il y a aussi les antonymes. Quelle raison d’exister y a-t-il pour un mot qui n’est que le contraire d’un autre ? Les mots portent en eux-mêmes leur contraire. Prenez un mot comme « bon » par exemple, quelle nécessité y a-t-il à avoir un mot comme « mauvais » ? « Inbon » fera tout aussi bien, même mieux parce qu’il est l’opposé exact de bon. Et si l’on désire un mot plus fort que « bon », quel sens y a-t-il à avoir toute une chaîne de mots vagues et inutiles comme « excellent », « splendide » et tout le reste ? « Plusbon » englobe le sens de tous ces mots, et si on veut un mot encore plus fort, il y a « doubleplusbon ».

Naturellement nous employons déjà ces formes, mais dans la version définitive du novlangue, il n’y aura plus rien d’autre. (…) Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. (…) Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050 au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? »