Jeu de dupe

On se rappelle sa jeunesse introvertie, et ces amours inabouties et même pas commencées : cette fille (peu importe laquelle et elle eut plusieurs incarnations) que l’on a regardée traverser les années collège au-dessus de la nuée, que l’on considérait de loin parce qu’on la rangeait dans la catégorie des anges sans pour autant renoncer à l’espoir qu’un jour elle s’aperçoive d’elle-même des signes flagrants que le Destin nous faisait avec les bras…

Ces filles n’auront jamais suspecté le bruit qu’elles faisaient dans notre tête ni la tristesse des nuits qu’elles nous firent passer. Et pour cause : les seuls efforts que nous ayons entrepris pour elles furent essentiellement de le leur dissimuler, de draper toute marque d’intérêt, de faire comme si, de ne surtout pas attirer leur soupçon… Nous avons remué ciel et terre, mais c’était pour que rien, absolument rien ne soit remarqué, ce qui eut été pour nous (on ne sait plus trop pourquoi à présent qu’on y songe) un désastre !

C’est en fin de compte une aptitude qui nous caractérise au-delà du “premier émoi amoureux”. Nous avons, bien sûr, grandi depuis et laissé ces choses derrière nous. Nous nous sommes mis à l’aise avec cela et la vie ne peut plus présenter de situations qui nous fasse rosir ou nous retrancher en nous. Mais il persiste cette volupté à évoluer caché, dans le domaine de la vie en général. Nous aurons fait bien plus, dans la vie, pour préserver le secret de notre personne que pour le révéler. Nous aurons œuvré à laisser les autres nous deviner, socialement, intellectuellement, bien plus qu’à leur mettre nos talents sous le nez. Nous aurons été surpris de n’être pas plus souvent trouvé, alors que nous n’avons rien facilité. “Qui se tait, veillant sur sa bouche, garde sa vie et son repos. Bruyant pivert trahit son nid”.

Je ne suis pas coach personnel mais enfin il me semble que c’est une mauvaise stratégie de vie.

980x