L’habitude des églises

The New-born, by Georges de La Tour

Les églises ont-elles été construites pour être remplies ou pour être vides ? Vide ou remplie, l’église remplit un rôle, assure une fonction. Quand le dernier pratiquant aura disparu, les églises resteront nécessaires. Il n’existe pas d’autre lieu sur Terre qui offre à l’Homme cette possibilité fondamentale : ce refuge inestimable au creux des voûtes fraîches, hautes et obscures. Ce refuge à l’abri de la vie, à l’abri du monde.

L’église est la seule maison qui supporte d’être vidée de sa raison d’être, sans ne rien perdre de sa justification totale d’exister, d’être là.

Je recherche en vain sur internet cette superbe scène de La Vie rêvée des anges, où le personnage d’Elodie Bouchez, petite vagabonde à la rue, seule et délaissée, sac au dos, pousse la porte d’une église et s’y abrite pour la nuit. Elle est à bout. A l’intérieur, le noir est total, le silence absolu. Comme dans un tableau de la Tour, on ne voit que le noir complet, et la flamme du lumignon que cette fille a posé sur le sol, réchauffant les lignes de son visage. Assise en tailleur, elle regarde la flamme chanceler. Ses nerfs se relâchent. Elle pleure dans le silence de l’église. On n’entend aucun bruit que ses reniflements et les froissements de vêtements, comme démesurément agrandis par la résonance de l’édifice.

Il me semble que c’est, depuis toujours, exactement pour cela que les églises ont été construites. Combien de temps survivront-elles sur cette seule fonction, ce seul business model ?

Promenade champêtre

Se lever à 7 heures. Déjeuner d’un simple café. Sortir au petit matin se promener par une superbe journée de juillet qui reste à commencer.

Marcher sur le gravier de la route départementale. Jour, soleil même, soleil oblique mais les maisons sont endormies car il est dimanche. Entendre la conversation des arrosages automatiques. Sinon le chant d’un geai grinçant comme une balançoire.

Bifurquer et prendre le chemin qui s’enfonce dans la pénombre forestière. Remonter et arriver à la maison d’Edmond, décédé en janvier dernier. Seul dans la cour de la ferme déserte. Inspecter les recoins, les outils posés, la chaise seule derrière la maison, adossée au mur dans les herbes hautes. Brindilles « poule ou coq » collées par la rosée sur le bout des Converse. Avoir oublié son appareil et son talent et laisser là de sublimes photos qui ne seront jamais prises.

Reprendre le chemin illuminé par le soleil. Marcher sur ce cordon de chemin privé, entre un champ de blé baigné du soleil et la forêt de pin qui exhale la fraîcheur. Le soleil finit de chauffer. Marcher et marcher. Marcher, ne pas être question d’insécurité, d’immigration, d’économie, marcher, ne pas être question de « dérapage ». Ne pas entendre « 100 millions d’euros ». Ne pas être question de chiffre. Etre incapable de retrouver l’itinéraire qu’on voulait faire initialement mais marcher quand même. Retomber sur la route et le village.

Passer devant l’église et soudain se dire qu’on va entrer. Entrer dans la petite église complètement vide et pas si fraîche. Laisser la lumière dorée des vitraux de soleil nous aveugler. Le reste est obscur. S’avancer seul, devant, stopper un peu avant l’autel. Se signer et prier. Un peu. Comme ça. Pour voir. Apprécier le refuge. Au loin le chant rouillé d’un oiseau. Une faible mobylette qui passe comme un point. Au loin. Ressortir sur la place.

Regarder à droite et à gauche. Retrouver le bitume de la route. Dire bonjour à la dame qui arrose sa pelouse. Gagner son point de départ, rentrer à la maison où la journée des siens vient tout juste de débuter.

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Message à caractère informatif : je serai dans l’incapacité de publier pendant une quinzaine de jours. Je souhaite une bonne vacance aux quelques uns et unes qui me suivent régulièrement
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