Politesses à la con

Laissons tomber les politesses à la con : ces gestes conventionnels, réflexes automatiques, qui à force de l’être trop, finissent par se vider de leur sens, et même parfois, produire l’effet inverse… On gâche comme cela de beaux moments, on détourne le sens de ce que font les autres pour soi.

Ainsi, quand vous recevez à déjeuner et qu’on se présente avec un bouquet de fleurs, évitez le « oh mais fallait pas »… Vous croyez renvoyer une politesse mais vous ne faites qu’expédier une situation que vous considérez gênante. « Fallait pas » : on ouvre la porte, on retire le bouquet des mains du convive sans même le regarder, et on l’emporte à la cuisine pour le mettre en vase, avant de réapparaître en changeant de conversation. Expédié, le bouquet !

Nous voulions être poli mais c’est tout le contraire, c’est même incroyablement grossier quand on y pense ! La personne se présente avec un bouquet de fleurs, et au lieu de la voir comme une personne qui fait un cadeau, nous voyons seulement quelqu’un qui se sent obligé. Notre « fallait pas » semble lui dire qu’il a fait ça pour s’acquitter du déjeuner.

Alors qu’après tout… Peut-être que la personne voulait vraiment nous offrir des fleurs ? Fallait pas ? Fallait pas débourser 20 euros pour rien ? Fallait pas passer tout ce temps à choisir dans l’humidité chez le fleuriste ? Fallait pas, vous êtes sûr ? Fallait pas avoir cette petite pensée pour nous ? Fallait pas embellir notre salon ? Fallait pas faire ce petit geste simple que nous ne prenons jamais la peine de faire pour nous ?

Dans la même collection, il y a la fameuse comédie de la main au portefeuille, entre les deux amis qui ont dîné au restaurant : « laisse ! ah non ! tu veux bien, dis ! »… Comédie toujours embarrassante, qui dure longtemps, gâche le dîner, et pire : qui finit par faire passer celui qui est arrivé à payer non pas pour le plus généreux mais pour le plus insistant, tandis que celui qui se fait inviter garde la sensation d’avoir « perdu » contre l’autre !

Voilà, dans les deux cas, à quoi aboutissent ces politesses à la con : déformer les intentions, détourner les sentiments, perdre le sens initial que l’on voulait donner au geste, passer à côté de quelque chose d’authentique… Par manque de simplicité, au final, tout le monde est un peu embarrassé, personne n’est véritablement content…

Alors la prochaine fois testez cela : votre meilleur ami vous propose de payer, ne jouez pas la comédie attendue. Non. Acceptez directement et sans hésitation, dès la première fois : « Tu m’invites ? Ça c’est gentil, ça me fait plaisir ! ». Toc. Il aura peut être un moment de flottement… Puis il tendra sa carte bleue au serveur avec une grande satisfaction ! Vous aurez deux visages illuminés. Testez. Un bon vieux « merci » heureux et authentique, plutôt qu’un « t’aurais pas dû ».