Presse culture

Nous espérons toujours trouver quelque chose à nous mettre sous la dent en ouvrant un magazine comme TGV, les Inrocks, ou n’importe quel journal qui nous raconte la vie culturelle, musicale, cinématographique… Nous savons pourtant pertinemment qu’ils sont vides et qu’il n’y a rien à en attendre, mais c’est tout le brio de la presse de spectacle : renouveler perpétuellement l’espoir puis le décevoir. 

Chaque fois que nous ouvrons ces feuilles, nous sommes ainsi frappés de découvrir qu’il y a très peu à dire : rien de substantiel sinon le perpétuel renouvellement des supports : livres, films, disques, concerts, artistes, personnalités… Le fond, lui, est toujours le même. Les comédiens se succèdent pour expliquer toujours la même histoire : que petits déjà, ils chantaient devant la glace ou aux repas de famille. Qu’enfants ils détestaient l’école. Que leurs parents les voulaient médecin mais que pour eux il n’en était pas question… Les groupes de rock se succèdent pour faire la même sempiternelle photo de mecs en noir qui font la gueule devant un entrepôt désaffecté.

Et curieusement, cette répétition ne lasse personne : les lecteurs continuent de lire, les journaux de raconter, d’imprimer, d’interviewer, et les interviewés eux-mêmes, de jouer le jeu sans se déconcerter. Comme si de rien n’était, rockeurs et comédiens répondent aux questions, prennent la pose, font des déclarations, comme si cela n’avait pas été fait et refait, dit et redit, écrit et réécrit des milliers de fois. A croire qu’ils ne lisent pas les magazines ! Sans quoi ils sentiraient le ridicule, ou finiraient par craindre de barber les gens. Ou bien ils réprimeraient un sourire quand ces phrases sortent de leur bouche et qu’ils s’entendent par exemple expliquer – encore et encore ! – qu’ils « n’ont pas de plan de carrière », qu’ils préfèrent « marcher à l’intuition », qu’ils détestent les étiquettes avec lesquelles on essaie de les cataloguer… Ils ne prendraient pas l’air si fin en affirmant que « la naissance de leur premier enfant a tout changé » comme si c’était une chose que les gens ne peuvent pas s’imaginer. Ou que « la politique ne les intéresse pas » mais qu’il « faudrait faire bouger les choses »… Et aucun critique n’aurait plus l’idée d’écrire des choses comme « entre pop acidulée et ballades lancinantes, [Machin] nous promène à travers un univers bien à lui, avec un goût évident pour l’expérimentation. Attention talent ! »

Il ne serait pas si long de faire l’inventaire de ces lieux communs, et ce serait à vrai dire une entreprise journalistique intéressante. Ressortir quelques années d’archives de magazines musicaux ou culturels, brasser et rassembler l’intégralité des propos, mettre bout à bout les interviews et les critiques, sur une grande page… Et dresser des tableaux, des schémas avec des flèches, faire des boîtes et des catégories pour ces interviewés qui n’entrent pas dans les cases… pour se rendre compte qu’il y a finalement peu de choses à apprendre. Toujours les mêmes, dites plus ou moins bien, plus ou moins intelligemment, par les générations de starlettes qui se succèdent. On compilerait tout ça dans un rapport, on le lirait une bonne fois pour toutes et on serait vacciné à vie de tout ce papier glacé. A la place on lirait des livres, et on écouterait de la musique.