Ma profession de foi

Je crois en Dieu le Père Tout-Puissant. Mais sans la barbe. Je crois plutôt en une direction, une « pente » que prennent les choses et le monde, une force qui les propulse, avec laquelle on peut être en accord ou en opposition mais contre laquelle on ne peut pas grand chose.

Je crois en Dieu créateur du Ciel et de la Terre plutôt qu’à un hasard bienfaiteur. Question de probabilités. Parmi les cailloux et la mort, se seraient mis à vivre par hasard un petit têtard ou une petite fleur ? Parmi les ruminants et les singes, se serait mis à vivre un être qui, par le plus grand des hasards, ne se satisfait plus de brouter et bouser mais qui a soudain besoin d’aimer, de comprendre, de changer, de célébrer, de progresser ?

Du point de vue rationnel, tout comme l’existence des extraterrestres est plus plausible que l’hypothèse que nous soyons seuls dans l’univers, l’idée que la vie ait été créée par un « dieu » est moins farfelue que celle d’une suite extraordinaire de hasards.
Le vrai miracle ne serait pas qu’un Dieu ait claqué des doigts pour impulser la vie, le vrai miracle, littéralement, serait que tous ces « hasards » se soient produits et succédés comme ils l’ont fait.

Je crois un peu moins en Jésus-Christ son Fils unique né de la Vierge Marie. Je crois éventuellement qu’un type a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli pour avoir répandu une curieuse façon de vivre et une certaine liberté d’esprit. De là à descendre aux enfers, à ressusciter le 3ème jour et à monter aux cieux…

Je crois en l’Esprit Saint (et pourquoi pas à la communion des saints) si on entend par là l’existence de valeurs immatérielles suprêmes, qui sont au-dessus de tout. Je crois même que tout le monde y croit, que tout le monde ne sait pas faire autrement qu’y croire.

Tout le monde est bien obligé de considérer une valeur comme absolue, hors du temps, sacrée. L’athée lui-même ne renie pas le sacré, il lui substitue son objet (le Dieu-à-Barbe) par un autre (« la Nature », « l’Homme », « la Vie », le « Droit à disposer de soi »…), il instaure une autre loi divine à laquelle tout doit se plier. Pour être intégralement athée, il nous faudrait croire qu’il n’y a pas de « sainteté », pas de valeur sacrée, pas de valeur plus ou moins spirituelle à attacher aux choses. Croire que la seule valeur qui peut être conférée aux choses est leur existence ou leur non-existence. Croire que tout ce qui arrive, tout ce qui existe, se vaut, est légitime parce qu’il existe. Pour être athée, il nous faut accepter l’absurdité du monde, assumer son chaos, cautionner qu’il n’y ait pas de vérité, que personne n’ait plus raison que l’autre pas même l’enfant contre le meurtrier, que rien ne soit plus sacré que son contraire, qu’il n’y ait pas de justice immanente. Peut-être et sans doute qu’il n’y a pas de justice immanente, mais peu importe : ce qui compte c’est que l’homme soit obligé d’y croire pour pouvoir vivre. L’athée intégral n’existe pas. Dès lors qu’on croit qu’une valeur est plus forte qu’une autre dans l’absolu, qu’une chose est sacrée et ne peut être touchée, dès lors qu’on croit « qu’un lion mort vaut mieux qu’un chien vivant », selon l’expression de Gustave Thibon, on croit en l’Esprit Saint.

Je ne crois pas à la Sainte Eglise Catholique, c’est-à-dire à une institution humaine qui serait garante de l’intégrité d’un message divin. Je ne crois pas qu’un message ait été délivré aux hommes, ni que ce projet ait été à l’ordre du jour.

Je ne crois pas à la rémission des péchés, à la Résurrection de la chair, à la Vie Éternelle. Il est d’ailleurs curieux d’entendre que la promesse d’un au-delà soit pour l’homme une récompense, un réconfort contre la peur de mourir. L’idée d’une vie éternelle dans l’éther des cieux est beaucoup plus terrifiante que l’idée qu’un jour, tout se finisse pour de bon.