« Bien enfermé dans une tête »

« Un fou, ce n’est que les idées ordinaires d’un homme mais bien enfermées dans une tête. Le monde n’y passe pas à travers sa tête et ça suffit. Ça devient comme un lac sans rivière, une tête fermée, une infection. »

Louis-Ferdinand Céline dans Voyage au bout de la nuit.

Les idées qui sortent la nuit

Le soir est une période propice à l’inspiration, comme si notre esprit était plus vif, plus apte. Comme si certaines idées sortaient seulement à la nuit tombée.

Ces idées viennent nous rendre visite, à notre bureau, parfois même dans notre lit au moment qui précède le sommeil… On les débobine, elles se font plus précises et prometteuses à mesure que nous les étudions dans l’obscurité de la pièce…

Mais, il faut le reconnaître, les inspirations nocturnes ont le caractère de l’ivresse : elles ont l’aspect de ces fêtes, que l’on a passées enthousiaste, le verre à la main, circulant de personnes en personnes avec la sensation, sur le moment, de tenir des discussions pétillantes, des échanges brillants avec des gens qui étaient autant d’interlocuteurs peu ordinaires… Mais quand on y songe le lendemain, la densité de ces conversations n’est plus si évidente et il faut se rendre à l’évidence : peut-être aussi qu’on avait simplement un peu bu !

Il en va bien souvent de même pour les idées nocturnes : le lendemain, nous reprenons l’idée là où nous l’avions laissée et celle-ci a disparu ; ou plutôt elle a « refroidi ». Nous ne comprenons plus ce que nous avions pu lui trouver la veille. En fait d’idée, nous n’avons plus sous les yeux que son squelette, son aboutissement, un résidu sans pertinence… et c’est en vain que nous cherchons à retrouver le fil de réflexion qui nous y a conduit. Alors il n’y a plus qu’à se lever et se préparer pour une nouvelle journée inutile.

« Les idées viennent rarement quand on est assis »

Schopenhauer dans Esthétique et métaphysique :

« Les idées bonnes et sérieuses ne se laissent pas à tout moment librement évoquer ; tout ce que nous pouvons faire est de leur tenir la voie libre, en écartant les ruminations futiles, les sornettes et les mauvaises plaisanteries. On n’a qu’à laisser libre entrée aux bonnes idées : elles viendront. Pour cette raison, il ne faut pas non plus prendre un livre aussitôt qu’on a un moment de loisir. Il convient au contraire d’accorder parfois un peu de tranquillité au cerveau : alors quelque chose de bon peut facilement surgir.

(…) Les pensées personnelles ne viennent guère qu’en marchant ou en se tenant debout, très rarement quand on est assis. Nos meilleures pensées entrent subitement dans la conscience comme une inspiration. Elles sont manifestement le résultat d’une longue méditation inconsciente. »