Self-made man

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On mesure aujourd’hui la grandeur d’un personnage à son degré d’autonomie, à sa capacité à faire tout par lui-même et à ne dépendre de personne. Le prestige s’attache à celui qui peut démontrer qu’il fonctionne seul, qu’il assure sur tous les tableaux en se tenant au four et au moulin. Le mythe vingtième siècle du self-made man, qui avait pour défaut de ne s’appliquer qu’à quelques destins exceptionnels et parsemés, s’est vu réactualisé et mis à portée du plus grand nombre avec le sacre de l’autoentrepreneur et du fondateur de start-up.

Autrefois, au contraire, on avait besoin pour être quelqu’un de s’entourer d’une suite, d’un aréopage. Les destins étaient plus collectifs. Plusieurs individus s’agrégeaient autour d’un homme pour lui conférer leur force d’abattage, et le délester des tâches quotidiennes afin de lui permettre d’achever quelque chose de grand. Il y avait comme un principe de courte échelle.

Le projet de la vie individuelle était-il alors plus ambitieux, pour que plusieurs paires de bras veuillent s’y atteler dans l’abnégation ?

Brigade des moeurs

Au printemps dernier, de promenade dans le parc du château de Versailles, remontant du Hameau de la Reine par une merveilleuse journée, je suis tiré de mes flâneries par cette scène de plage faisant irruption au détour d’un fourré, au beau milieu d’un carré de jardin :

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La marotte de la bronzette est impérieuse. Au moindre rayon désormais, quel que soit l’endroit mais de préférence là où c’est inopportun, on tient à imposer son torse à la vue du plus grand nombre, comme s’il était urgent de saloper le peu de solennité ou de beauté qu’il reste dans le monde. Le semi-nudiste a beau avoir vécu toute sa vie dans une société d’habillés, il ne semble pas effleuré par l’idée qu’il fait là quelque chose d’innovant.

Mais après tout, sur ce sujet et sur tant d’autres, de quel droit jugerais-je ces personnes ? Pourquoi ma façon de profiter du lieu serait meilleure que la leur ? Si c’est comme cela qu’ils souhaitent vivre le moment, où est le mal ? Le parc n’est-il pas assez grand pour que toutes les sensibilités s’y expriment ? En quoi cette pose nuit-elle au panorama d’ensemble, et qui me dit que le voyageur qui a parcouru des milliers de kilomètres pour apprécier le lieu n’est pas également sensible à la beauté de ce torse malingre ?

Il n’y a strictement rien à objecter à ce type de remarques qui, à l’heure de la génération « C’est mon choix », vous reviennent immédiatement à la figure. En effet, au nom de quoi et de quel droit empêcherions-nous quelqu’un d’ôter son T-shirt quand il a chaud ? De faire ses courses en slip ? D’exprimer sa tristesse à un enterrement en se prenant en selfie ? De manifester son émoi pour les victimes des attentats par un flash mob multicolore et ultra-sympa le lendemain de la tuerie ? Absolument d’aucun droit, tant que l’on considère que nous sommes dans un monde où il n’existe pas de choses qui se font et ne se font pas, un monde où toutes les réactions se valent et sont honorables en tant qu’expression irrépressible de sa subjectivité, un monde où l’on n’est pas inscrit dans une communauté de pratiques culturelles.

Au nom de quoi ferait-on peser sur l’individu le poids d’un sentiment collectif de ce qui se fait ou ne se fait pas ? Eh bien, peut-être précisément au nom du vivre-ensemble ! Car si le vivre-ensemble, la solidarité, le faire société… sont rabâchés à toutes les sauces aujourd’hui, laissant croire qu’ils sont la marque de fabrique de notre époque, c’est en réalité une guerre permanente qui leur est livrée par la société du « C’est mon choix ». La volonté générale actuelle n’est pas le vivre-ensemble mais celle de l’individu total. La volonté est de vivre absolument comme si l’on était seul, et de ne compter sur les autres que pour qu’ils s’accommodent de notre fantaisie.

C’est ainsi que celui qui postule à un job de vendeur alors qu’il s’est fait tatouer un babouin sur le visage ne comprendrait pas qu’on lui refuse le poste sous ce motif. En quoi ce tatouage entame-t-il son savoir-faire commercial ? A compétence égale, pourquoi devrait-il être pénalisé par rapport à un autre candidat ? En quoi l’entreprise est concernée par ce dessin qui correspond pour lui à un aspect intime de son histoire et de sa personnalité ? Impossible de lui avouer le motif, qui est que la clientèle le prendrait immédiatement pour un junkie oisif. Mieux vaut invoquer un article du règlement intérieur qui stipule que c’est une question de sécurité. Rien ne doit entraver l’individu total et sa volonté d’être « lui-même » envers et contre l’interprétation sociale de son comportement ; rien du moment que son comportement n’est pas réprimé par la loi.

Le ciment d’une société, pourtant, ne tient pas au respect de la légalité ni à la connaissance approfondie du code civil par les citoyens. Il tient précisément à l’observation des principes non écrits. Le monde civilisé démarre quand la force de la loi cesse d’être la poutre qui soutient l’ensemble, et qu’elle est relayée par une intuition commune et partagée que des règles tacites ont cours entre nous. On fait partie d’une famille parce qu’on en épouse les codes sans que ceux-ci aient besoin d’être punaisés au mur de la salle à manger. On s’entend avec ses amis ou ses voisins non pas parce que chacun vit à sa guise, mais parce que l’on partage un sentiment commun de ce qui peut se faire ou se dire, avec lequel on est parfaitement à l’aise.

Dans une conférence par ailleurs brillante sur la musique, le compositeur Jérôme Ducros évoque très bien ces conventions (musicales, grammaticales…) dont nous ne soupçonnons pas l’existence ni la justification objective, mais que nous respectons pourtant sans le savoir. Nous ne savons pas pourquoi telle prononciation est incorrecte dans un cas et juste dans l’autre, néanmoins nous le sentons au point que la faute nous paraîtrait évidente.


(17’58 »)

Ainsi, ce qui fait une société harmonieuse, ce qui fait ses valeurs et son identité, c’est ce qu’elle détient de cette façon : le respect de règles pressenties qui n’ont pas à être expliquées ou conscientes. Ce qui fait que l’on peut vivre ensemble, c’est que l’on admet qu’on ressent ces règles non écrites comme naturelles, tellement naturelles qu’on n’avait même pas pensé à les consigner dans une charte ou un code pénal.

Sous ce rapport, le « débat sur l’identité nationale » qui avait eu lieu il y a quelques années cristallise d’ailleurs assez bien l’impasse dans laquelle se retrouve une société qui veut « vivre ensemble » en même temps que promouvoir le « chacun à sa façon ». Si l’on se souvient bien, ce débat n’avait pas eu lieu, paralysé entre les uns qui jugeaient criminel de soulever la question et les autres qui s’étaient saisis d’un stylo pour poser sur le papier ce qu’était qu’être Français. Les deux options sont idiotes. L’identité, littéralement, c’est ce qui est identique aux êtres humains, au-delà des individualités. S’offusquer qu’elle existe en dit long sur la force qu’a aujourd’hui atteint l’illusion individualiste. Pour autant, une identité ou des valeurs ne se décrètent pas. Vouloir le faire est le signal très précis que ces valeurs sont mortes, totalement dévitalisées.

Pour en revenir à mon plagiste : il n’est nulle part inscrit qu’on ne s’étend pas sur une serviette de plage au milieu d’un jardin historique. Mais – c’est ce qui est beau – chacun le sait néanmoins. Chacun le sent. On le sait par éducation, par observation, par simple intuition… Il n’est nulle part écrit qu’on ne s’étend pas sur une serviette de plage, et la plus grande défaite de la civilisation commencerait le jour où un sanctuaire comme le château de Versailles serait obligé de le préciser sur un écriteau.

Dynamique de groupe

J’avais entendu quelque chose à propos d’une expérience scientifique américaine : on constituait quatre groupes de 4 personnes qu’on observait sur plusieurs jours. Après quelques temps, une structure sociale identique s’installait naturellement au sein des 4 groupes, autour de quatre « rôles ». Par exemple :

  • A le dominant,
  • B l’indépendant,
  • C le suiveur,
  • D le bouc émissaire…

Dans un second temps, on reformait les quatre groupes en mettant cette fois-ci ensemble les caractères de même nature : les dominants ensemble, les indépendants ensemble, les suiveurs ensemble, les boucs émissaires ensemble. Et au bout de quelques jours, les rôles se reformaient à l’identique dans chaque groupe : chez les dominants comme chez les trois autres groupes, avaient émergé un dominant, un indépendant, un suiveur, et un bouc émissaire.

Il y a dans la morale sous-jacente à cette expérience quelque chose d’assez mordant, une sorte d’ironie complètement insultante vis-à-vis de l’individu et de son amour-propre. C’est comme si le groupe, qu’on imagine habituellement comme la résultante d’une sélection intelligente et choisie selon les affinités, était en fait lui-même l’entité vivante et intelligente qui choisissait : il choisit les individus dont il a besoin pour fonctionner, les tenants des rôles qu’il a à offrir. Il y a aussi quelque chose de « fractal ». C’est comme si le groupe était une entité organique obéissant à une loi de la nature : telle une cellule vivante, il se recompose à l’identique quand on l’ampute. Il se répète à l’identique quels que soient les individus qui le composent. En fin de compte, il est un organisme tout aussi réel et concret que l’individu lui-même.

J’ai d’ailleurs pu observer un même type de phénomène au sein d’un groupe d’amis. Ce groupe fonctionnait, je m’en suis rendu compte a posteriori, en grande partie autour du « duo comique » que composaient un extraverti à forte personnalité et son faire-valoir. L’extraverti, au centre du groupe, pouvait être très drôle mais toujours aux dépens du faire-valoir. Il semblait avoir besoin de lui pour briller par ses piques et ses vannes, et passait au final le plus de temps possible avec lui en compagnie des autres. Un jour, le faire-valoir a fini par mûrir et ne plus avoir envie de ça. A une occasion, il s’est fâché contre le rigolo qui allait trop loin et a disparu. Le groupe d’amis a continué un peu à vivoter, mais un équilibre s’était clairement cassé. Quand j’ai revu le rigolo quelques temps plus tard, il avait reconstitué un groupe, avec un nouveau faire-valoir dégoté parmi ses collègues, et un nouveau « public ». Le nouveau faire-valoir étant moins efficace, il racontait de temps à autres d’anciennes anecdotes avec l’ancien faire-valoir pour s’attirer quelques rires. La dynamique était un peu plus faible mais il l’avait reconstituée à l’identique.

***

Je ne retrouve rien sur le net au sujet de l’expérience américaine. En revanche, pour ceux que ça intéresse, une expérience française relativement similaire a été faite sur des rats :

Droit de vie et de mort

Si l’on tient un tant soit peu à la liberté individuelle, on est contre la peine de mort. Car rien n’est plus intellectuellement oppressant que l’idée d’un « corps social » – un troupeau de veaux – qui s’accorde à vous couper l’oxygène, à sectionner le fil qui vous rattache à la vie, sans ciller, sans douter, sereinement, dans un assourdissant consensus, avec en prime le sentiment du devoir accompli !

Mais ce faisant, en refusant ce « droit » – le droit de vie et de mort, cette primauté de la société sur l’individu, il faut être conscient qu’on supprime peut-être quelque chose qui fait le ciment de la société, qui lui donne sa substance et sa réalité.

  • Tant que la société s’arroge le droit de mettre fin à la vie des individus qui la composent, c’est simple : vivre signifie indûment « vivre selon l’ordre social ».  Vie personnelle et vie sociale sont une seule et même chose. Le Bien de cette société est notre Bien, son mal est notre Mal, et inversement. « La société » est alors quelque chose de réel parce qu’elle se confond avec la vie, nous n’en envisageons pas d’autre en dehors.
  • Mais si cette société ne menace plus notre vie, si son autorité s’arrête là où commence notre droit à exister, alors c’est différent. Son emprise n’est plus réelle mais périphérique : il y a notre vie d’un côté, et la vie sociale de l’autre, « la société » est un vernis qui vient s’ajouter. Et pourquoi se plier absolument à ce qui n’est qu’un vernis et qui ne peut outrepasser mon droit à vivre ? Pourquoi respecter les règles de ce qui n’est qu’un jeu, un jeu qui importune le cours naturel de la vie ?

Dès lors que la vie n’est pas en jeu, la vie EST un jeu. Dès lors que le jeu social ne peut plus avoir pour sanction la mort, il n’a plus de conséquence,  il devient un simple jeu avec ce que cela implique d’accessoire et de facultatif. Jeu d’embrouille, jeu de mains, jeu de dupes… Jeu à tricher, détourner, contourner… Jeu dont on peut bien se passer.

Et c’est un fait nouveau, à l’échelle de l’histoire humaine, que la société ne dispose pas de ce droit de vie et de mort. C’est tout récent qu’un chef d’Etat n’ait de pouvoir qu’administratif ou fiscal sur ses sujets, qu’il se contente de régir le cadre de la vie et non plus la vie elle-même. On peut imaginer qu’il s’agit là d’un événement qui conduira progressivement à la désagrégation de la société telle qu’on la connaît. Que peu à peu, les gens prennent acte de cette nouvelle donne et se détachent petit à petit de leurs obligations sociales, vivent une période de confusion à l’issue de laquelle se réinventeront de nouvelles formes de vie ou de sociétés.

La peur de l’étiquette

L’une des raisons pour lesquelles l’engagement politique est aujourd’hui interdit à un jeune homme de bon goût, c’est que personne ne souhaite plus appartenir à un parti. Personne n’a plus envie de se ranger dans une case, dans une catégorie, fut-elle celle des rebelles et des inclassables.

Demandez à une personne quelle est la musique qu’elle aime. Là où auparavant on affirmait bêtement « du rap », « du rock progressif », « du classique »… aujourd’hui la personne vous répond : « oh, un peu de tout », suite à quoi elle déploie une palette impressionnante de genres musicaux (et si possible des sous-genres fusionnant d’autres genres) attestant son ouverture d’esprit, son « éclectisme », mais surtout son caractère imprévisible, indéfinissable. Vous comprenez, vous n’allez pas le « cerner » comme ça le gars, vous n’allez pas le « juger » sur une simple question. Les autres, peut-être et sûrement, mais lui non : il est beaucoup plus complexe que vous pensez, le gars.

Désormais on veut échapper à la définition. C’est une question d’esthétique : entrer dans une case à côté d’autres personnes du même genre, être semblable à un autre, est un sacrifice qu’on n’est plus prêt à faire. Renoncer à son infime différence, faire une croix sur sa singularité individuelle, sur sa façon personnelle de voir les choses pour être assimilé à une généralité quelle qu’elle soit, n’est plus considéré comme valant le coup par rapport au bénéfice qu’on peut en espérer. On lit et on entend ainsi en permanence des gens qui « détestent les catégories », qui s’offusquent d’être jugés en fonction de ce qu’on croit connaître d’eux.

Exemple fascinant du type qui a construit sa carrière exclusivement sur l’humour idiot, et qui s’étonne qu’on le croit idiot :

Le domaine des goûts musicaux est encore bénin. Imaginez ce que donne ce « refus d’être catégorisé » en matière de politique, de philosophie et de tout ce qui structure plus sérieusement la personnalité. Aujourd’hui, on veut bien reconnaître qu’on adhère à des idées, mais pas qu’on adhère à un parti, car s’assimiler à un parti, naturellement, nous simplifie, nous réduit, nous pousse à abandonner les petites particularités et les nuances de nos convictions pour rallier un standard de pensée. Inenvisageable. Alors on admet tout au plus « qu’on a le cœur à gauche », mais on rejette l’ensemble des partis qui recouvrent le spectre de la gauche. On ne veut pas s’incarner et se reconnaître dans une machinerie barbare qui s’appellerait « PS », « PCF » ou « RPR », tout au plus peut-on s’enticher provisoirement de la bannière orange-fun d’une chose conviviale et conceptuelle qui s’appellerait « MoDEM ».

Plus fort encore, ces gens-qui-ne-veulent-pas-être-catégorisés, s’ils finissent par ne plus voter, refusent également d’être catégorisés comme « ceux qui ne votent pas ». On ne vote pas mais attention, on ne veut pas être assimilé à la masse des abstentionnistes. N’imposez pas ce sens à leur non-vote, vous déformeriez l’originalité de leur position !

D’où nous vient cette lubie de se distinguer ? Peut-on croire que dans le passé, les gens étaient plus simplets, moins complexes et moins raffinés, entraient plus facilement dans les cases ? Les gens n’étaient sans doute pas moins individualistes, pas moins attachés à leur singularité. Mais peut-être avaient-ils un sens pratique et politique plus développé : ils acceptaient d’être caricaturés par l’appartenance à une classe, à un parti, à une mouvance, ils voulaient bien faire entrer leur complexité dans des cases, si cela pouvait syndiquer une force collective à même de faire avancer leurs idées.

Réalité partielle (ou virtuelle, ou augmentée)

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Dans le futur, les gens évoluent dans un environnement qui mixe réalité et éléments virtuels : la technologie leur permet d’appliquer une couche d’information virtuelle à leur champ de vision.

Finis les casques à visière qui superposaient messages et images virtuelles à la réalité. La plupart des gens se font désormais implanter des lentilles à cristaux liquides qui leur restituent une vision véritablement intégrée.

Tout comme les oreillettes à musique permettent aux passagers d’une même rame de métro de vivre, bien qu’assis côte à côte, chacun dans son univers sonore, la réalité partielle permet aux gens d’une même rue, d’une même ville, de coexister côte à côte tout en vivant dans des univers visuels et sensoriels séparés.

Ainsi, ce qu’aperçoit un quidam lorsqu’il marche dans la rue est une composition intégrée de rue réelle et de calques virtuels personnels :

  • devantures et enseignes de magasins virtuellement améliorées (animations, hôtesses manga),
  • affiches publicitaires personnalisées (« dans cette boutique, vos caleçons boxer habituels à – 15 % ! »),
  • fenêtres web perso (GPS GoogleMaps, statuts Facebook de ses amis, RSS Yahoo!Actu…).

Y compris dans ce qu’il perçoit de réel, le quidam peut virtualiser certains éléments, comme par exemple :

  • programmer un ciel orageux ou de la neige,
  • baliser son trajet avec des flèches directionnelles clignotantes,
  • faire s’illuminer le McDo le plus proche,
  • paramétrer des alertes (« dans cet immeuble habitent 2 de vos amis »),
  • afficher la fiche détaillée de la jolie blonde qu’on vient de croiser…

Les passants, d’ailleurs, apparaissent pour la plupart non pas sous leur forme réelle mais sous l’image de l’avatar plus ou moins ridicule qu’ils ont paramétré. On ne s’étonne plus de croiser un homme à tête de Tex Avery ou une Lara Croft au coin de la rue.

 

La démocratisation de la réalité partielle et l’implantation des lentilles-écran ont été fortement encouragées par l’Etat, les organisations internationales occidentales, et tous les partis du progrès. Malgré ces efforts, il reste une population de « non-branchés », pour qui la réalité n’est pas rose ! Car, ayant conservé une vision normale, ce qu’ils aperçoivent dans la rue, ce sont de drôles de gens – les connectés – qui parlent à voix haute parce qu’ils sont en train de communiquer, ou qui errent étrangement sur les trottoirs parce qu’ils sont en train de lire un article de Libé.fr en marchant, ou encore qui ont un air un peu grotesque parce qu’ils sont encore équipés d’anciennes visières numériques… Sans oublier les wii-lib qui roulent ou marchent sur les trottoirs et dans les magasins. Quant à la ville, l’architecture est devenue minimaliste, composée de grands pans rectangulaires de béton, devenus sales mais qui n’ont pas besoin d’être nettoyés puisqu’ils servent simplement à projeter une réalité virtuelle de meilleure qualité pour les connectés.

Dans le futur, la réalité partielle (ou réalité virtuelle, ou réalité augmentée) est bien pratique. On ne peut plus s’en passer.