Œil pour Œil

En tant qu’Un Oeil, il me faut adresser un mot de solidarité aux éborgnés gilets jaunes.

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La question que devrait susciter le LBD40 n’est pas tellement sa dangerosité, c’est le fait qu’il semble blesser principalement des personnes relativement, voire totalement, inoffensives au moment du drame. Les images montrent la plupart du temps des femmes, des journalistes touchés par erreur, des personnes qui traversaient au mauvais moment, des insolents qu’on s’amuse à tirer… La logique voudrait que les éborgnés soient les éléments les plus agités et les plus dangereux, mais je n’ai vu à ce jour aucune image de barbare menaçant neutralisé en pleine action.

Je songe à cela alors qu’un article (du Point ?) nous apprend que c’est une seule et même personne qui, samedi dernier à Paris, a brûlé en plein jour une Porsche, un véhicule Vigipirate, et défoncé plusieurs commerces. Le journal est capable de retracer la journée du forcené minute par minute mais la police, elle, « n’a pas pu » l’interpeller. Pas au LBD40 en tout cas, qui est pourtant réservé à cet usage précis. L’article déclare que l’individu était « black bloc » (le nom trendy pour « casseurs politiques en bande organisée »). Ce groupe grossit les rangs des manifestants depuis quelques semaines, avec le privilège par rapport à eux d’évoluer le visage masqué et de pouvoir introduire des armes dans les rassemblements.

Ce qu’il serait intéressant de savoir, c’est s’il se trouve un seul « black bloc » ou hooligan de dangerosité notoire parmi les gens qui ont perdu un œil ou une main depuis le début des manifestations, comme la logique le voudrait. Y a-t-il un seul casseur professionnel qui ait été interpellé, empêché de manifester ou de rejoindre un cortège ? Journalistes, à votre fact-checking !

Question attenante : si la loi anti-casseurs a pour but d’empêcher les éléments violents de manifester, y compris préventivement, peut-on se retourner contre les autorités si elles laissent délibérément de tels individus participer ?

Vous êtes filmés

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Agressée il y a quelques temps devant chez elle, une amie a dû se rendre au commissariat pour visionner des images de vidéosurveillance et identifier l’agresseur. Elle réalise alors qu’en combinant les images de la RATP, de la ville, des agences de banque, des immeubles… c’est presque la totalité de son trajet entre sa station de métro et son domicile qui est filmé quotidiennement.

Security cameras mounting on the high top position

Il pourrait être frappant, à plus grande échelle, de réaliser que les moments de la journée où l’on n’est pas enregistré sur bande vidéo sont assez rares. On pourrait imaginer pour cela de réaliser un travail collaboratif, à la manière des communautés d’automobilistes qui signalent l’emplacement des radars. Chacun placerait sur une carte géolocalisée les caméras qui prennent des images de la voie publique, en précisant leur orientation et leur angle de vue. Au final on disposerait alors d’une application mobile qui se met à biper lorsque l’on se trouve dans le champ d’une caméra…

Dans les grandes villes, elle biperait au contraire lorsque l’on n’est plus filmé. Sans quoi la sonnerie serait trop importunante.

Néo-féodalité

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Dans le futur, la vie publique et collective s’est cruellement réduite. L’insécurité et l’écologie ont eu raison de la libre circulation des personnes. On préfère rester chez soi, c’est plus sûr et plus propre.

Au niveau international d’abord, la très forte réduction du traffic aérien a quasiment gelé la mobilité des personnes. Les vols sont réservés aux échanges commerciaux ou n’intéressent plus que des aventuriers suffisamment riches pour se payer un billet. Les causes en sont :

  • la multiplication des actes de terrorisme,
  • les mesures de Restriction Durable pour l’environnement,
  • le désintérêt des particuliers pour le tourisme : la plupart des gens continuent de voyager mais depuis chez eux, grâce au wii-lib.

Parallèlement, la disparition d’un système international ordonné ainsi que les flux sauvages de migration causés par les catastrophes naturelles, ont vu les frontières se recloisonner.

Au niveau des villes, l’activité extérieure s’est réduite également. En milieu urbain, pour des raisons de Restriction Durable, les voitures sont exclusivement réservées à certains corps de métiers et aux quelques élus habilités. Pour les autres, là encore le wii-lib permet de bouger en restant chez soi. Il faut dire qu’on n’a plus guère l’envie de sortir. La réalité partielle a salement appauvri l’environnement extérieur, notamment urbain. Et Internet et le tout-à-domicile ont annulé beaucoup de raisons de mettre le nez dehors. Une grande partie des boutiques et de la distribution a purement et simplement disparu. Il subsiste quelques superettes et magasins automatiques. Les gens habitent des maisons autarciques dont ils n’ont presque plus besoin de sortir : travail, nourriture, biens de consommation, biens culturels, contacts humains, tout est « dématérialisé » et passe par le web.

Ce rétrécissement de la vie publique a entraîné une inévitable réduction des services publics, progressivement remplacés par des institutions privées. L’ordre et la sécurité sont par exemple assurés par des milices mises à disposition par des multinationales. Plus de services publics, plus d’impôts, plus de droits ni de devoirs civiques… Nous sommes petit à petit retournés à des conditions de vie « féodales ». En quelques décennies, se sont développés de grands ghettos et des villes-forteresses, qui garantissent la sécurité de leurs adhérents comme le faisaient les seigneuries, et qui se font la guerre, ou s’allient pour faire la guerre à d’autres cités ou aggrégations de cités. En dehors de ces villes-forteresses, qui établissent en leur sein un droit relatif, c’est la jungle.