« Bien des choses sont possibles dès lors qu’on n’est pas aimé »

« Ils apprirent à ravaler leurs larmes et leurs cris, à regarder le père avec des yeux secs, à soutenir ses regards sans paraître insolents (…) ; et Médée [le frère aîné] leur apprendrait à mentir, au moins par omission, et que bien des choses sont possibles dès lors qu’on n’est pas aimé. »

Richard Millet dans La gloire des Pythre.

Tuer le père

A ma droite : le fils qui a fait tout ce que son père attendait de lui.
A ma gauche : le fils rebelle, qui s’est escrimé à faire tout le contraire.
Lequel est le plus libre ? Lequel s’est « émancipé » ?

L’un comme l’autre, au final, n’auront fait que se définir par rapport à la figure paternelle : positivement ou négativement, ils auront décidé en fonction de ce qui était attendu d’eux. L’un comme l’autre auront tenu leur place par rapport au cercle que papa a tracé sur le sol au bâton.

L’homme résolument libre est celui qui s’élève au-dessus de ce cercle tracé. Celui qui n’en tient pas compte, qui l’ignore ou qui l’oublie. Il faut tuer le père : pas seulement son image ; il faut désintégrer le père, le faire disparaître en tant que référent. Se bâtir, ni pour lui ni contre lui, mais par rapport à soi-même et au monde.

Désintégrer le père : c’est la condition nécessaire à l’accomplissement de la liberté, et c’est une chose jamais complètement possible, évidemment. Désintégrer le père, c’est ce que les hommes libres se sont évertués à faire de tout temps, en échouant d’une manière ou d’une autre.