Le sens des « choses-en-train-de-finir » s’est maintenant largement répandu à l’imagination populaire. (…) La question de savoir si le monde finira dans les flammes ou dans la glace, dans une explosion ou un gémissement, n’intéresse plus seulement les artistes. Le désastre qui menace, devenu une préoccupation quotidienne, est devenu si banal et familier que plus personne ne prête guère attention aux moyens de l’éviter. Les gens s’intéressent plutôt à des stratégies de survie, à des mesures destinées à prolonger leur propre existence, ou à des programmes qui garantissent bonne santé et paix de l’esprit. Ceux qui creusent des abris espèrent survivre en s’entourant des derniers produits de la technologie moderne. C’est l’idée opposée qui anime les communautés établies à la campagne : se libérer d’une dépendance à l’égard de la technologie, et ainsi survivre à sa destruction ou à son effondrement. (…) Ces deux stratégies reflètent la perte de tout espoir de changer la société, et même de la comprendre ; et c’est ce qui sous-tend les cultes de l’expansion de la conscience, de la santé ou du « développement personnel », si répandus aujourd’hui.
Christopher Lasch dans La culture du narcissisme.