« Le sens des choses-en-train-de-finir »

Le sens des « choses-en-train-de-finir » s’est maintenant largement répandu à l’imagination populaire. (…) La question de savoir si le monde finira dans les flammes ou dans la glace, dans une explosion ou un gémissement, n’intéresse plus seulement les artistes. Le désastre qui menace, devenu une préoccupation quotidienne, est devenu si banal et familier que plus personne ne prête guère attention aux moyens de l’éviter. Les gens s’intéressent plutôt à des stratégies de survie, à des mesures destinées à prolonger leur propre existence, ou à des programmes qui garantissent bonne santé et paix de l’esprit. Ceux qui creusent des abris espèrent survivre en s’entourant des derniers produits de la technologie moderne. C’est l’idée opposée qui anime les communautés établies à la campagne : se libérer d’une dépendance à l’égard de la technologie, et ainsi survivre à sa destruction ou à son effondrement. (…) Ces deux stratégies reflètent la perte de tout espoir de changer la société, et même de la comprendre ; et c’est ce qui sous-tend les cultes de l’expansion de la conscience, de la santé ou du « développement personnel », si répandus aujourd’hui.

Christopher Lasch dans La culture du narcissisme.

Live and let die

assis au bord de rivière

Je peux certainement paraître un pessimiste à ceux qui me lisent, à ceux qui m’entendent ; je le suis sans doute pour ce qui concerne le temps immédiat… mais je redeviens optimiste si l’on veut bien considérer les choses à plus long terme.

Tout ce que je fais mine de voir advenir par mes mauvais présages, mes miroirs dystopiques, tout cela n’est finalement que la direction que je vois prendre aux choses. Mais je sais par ailleurs qu’elles n’iront pas au bout, que tout cela n’arrivera pas à son terme de pourriture, et que quelque chose d’humain se passera qui perturbera cela, qui fera du futur autre chose que ce qu’il devait être.

Il y aura une issue ; les moyens et les outils d’un monde nouveau sont là, émergents. Déjà pointent quelques raisons de croire qu’il peut y avoir une vie après l’industriel, après l’ère de masse, peut-être même après l’ère démocratique… D’une certaine façon nous sommes plus chanceux que nos parents, nous vivons un temps rempli de plus d’espoir qu’il ne l’était il y a 30 ou 40 ans : car nous sommes à un pied de mur ; nous sentons bien que les ficelles sont usées désormais, les paradigmes obsolètes, les anciennes règles intenables… Nous sommes contraints à un monde nouveau tandis que nos parents n’avaient qu’à continuer le leur sans véritable échappatoire.

Il y aura une issue. Des solutions émergent. Un horizon se dessine. Mais il y aura, avant cela, toutes les tentatives du monde actuel, du monde mourant, pour s’agripper et préserver ses intérêts. Pour maintenir sa rente et prélever sa part. Automobile, pétrole, Etat, médias… useront toutes leurs cartouches, pèseront de toute leur inertie, assécheront de nombreuses et jolies pousses avant de céder définitivement la place à quelque chose.

C’est simplement cette tentative ultime de l’ancien monde de se raccrocher, à laquelle il faut survivre et qu’il faut laisser passer avant de pouvoir apercevoir un rivage. Il nous faut vivre, et laisser tout cela mourir.

live and let die