Ces oeuvres d’art qui ont choqué

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On laisse souvent entendre que telle oeuvre d’art, majeure, a « choqué » en son temps. Notamment à partir du 19ème siècle : on aime imaginer ces hommes et femmes de la bonne société, se jeter hors des salons et des expositions, horrifiés, s’arracher la barbe pour les uns, les froufrous pour les autres, réclamer le bûcher pour l’hérétique

Je crains que la réalité soit plus fade, et que ces oeuvres qui ont choqué, aient en réalité fait doucement rigoler. Avec un rictus de mépris, on a dû se dire que ce Gustave Courbet n’était décidément pas très subtil. Ou encore on a soupiré de dépit devant les gribouillages d’enfant demeuré de ces « fauves ». Et aujourd’hui on apprend que tel Jeff Koons fait scandale avec son zob en plastique, mais qui est vraiment offusqué ? Personne. C’est simplement une expression journalistique.

C’est une tendance assez récente de prendre l’art au sérieux, de croire qu’il peut changer le monde, d’oublier qu’un tableau n’est tout de même qu’une image, ou qu’une musique n’est qu’une musique par rapport à la vraie vie des gens. Ceux qui surestiment le caractère scandaleux de l’art sont en général non pas les artistes eux-mêmes, mais les salariés de l’art et la culture : enseignants, journalistes, critiques, guides de musée, galeristes… Ceux-là font grand cas des « ruptures » et des « coups de pied dans la fourmilière », ils enseignent une opposition entre art et conservatisme.

Il est pourtant évident que, dans l’art et dans la vie elle-même, la rupture a un rôle relativement mince et parcimonieux par rapport à la conservation. La société est comme n’importe quel organisme : elle s’entretient avant tout, et ne se révolutionne qu’en dernier recours, lorsque les forces conservatrices sont épuisées ou lorsque l’harmonie et la conservation deviennent plus coûteuses à maintenir que la reconstruction elle-même.

Un peu d’humour sur les « salariés de l’art et la culture » :

Gonflette intellectuelle

cervelle

La musculation est une activité ridicule comme chacun sait. Non que son principe soit plus idiot que n’importe quel sport, mais parce qu’elle consiste à acquérir – à imposer – quelque chose dont le corps n’a pas besoin. En temps normal, chacun est musclé à l’exacte mesure de ce que son corps et son activité quotidienne requiert. Le déménageur a de gros bras pour et parce qu’il porte des cartons toute la journée, le tennisman a un avant-bras particulièrement musclé pour et parce qu’il frappe dans la balle, et le glandeur a exactement autant de muscles qu’il faut pour appuyer sur une manette de jeux vidéo.

Considérons maintenant la gonflette de l’esprit. Tous ces littéreux qui ont toujours une critique avisée et bien sentie du dernier film sorti au cinéma, parlent avec le plus grand sérieux d’une BD manga qui est un chef-d’oeuvre, font des classements des groupes musicaux majeurs, se demandent si ce livre ne serait pas un roman cubiste… Il y a là une manie risible de nourrir son esprit au-delà de ses moyens, au-delà de ce que son quotidien nécessite. Moyennant quoi une effroyable quantité de biens et services culturels est consommée par la plupart d’entre nous absolument en vain.

On pourrait considérer ces littéreux avec le même mépris qu’on regarde Jean-Marc aller à la salle de muscu. Il se pourrait que ce qui est sain, c’est de garder l’usage de la culture pour les grands jours, comme un bon Champagne. Schopenhauer va même jusqu’à dire que c’est une condition du bonheur de ne pas philosopher trop haut ; ne pas développer son intellect au-delà du pur service de son intérêt individuel.