Dans un magazine people, on demande à un pédopsychiatre de se prononcer sur le fait qu’une star de football ait payé une mère porteuse 200 000 € pour avoir un enfant. « Est-ce que cela pourra nuire à l’épanouissement de l’enfant lorsqu’il sera en âge de comprendre qu’il est le fruit d’une tractation financière ? »
Telle est sa réponse :
« Il est toujours possible d’expliquer à l’enfant que la mère a fait cela par amour, préférant donner du bonheur à son père ; qu’elle voulait donner la vie sans forcément élever un enfant, prenant de l’argent pour récompenser cet effort, cet engagement, et qu’elle avait besoin d’être soulagée. Ces paroles peuvent atténuer ce vécu, qui pourrait être éventuellement pénible ensuite pour l’enfant ».
C’est sûr, il est toujours possible d’expliquer, de trouver à dire – dire c’est guérir, n’est-ce pas. Mais ce serait encore mieux si cette chose qu’on trouve à dire n’était pas une ânerie complète lâchée avec désinvolture.
Les psy de magazine ou de télévision sont toujours plus ou moins de ce bois. Ce dont ils semblent soucieux avant tout, c’est de ne pas paraître « moraux ». Ils ne doivent jamais questionner le dogme de la modernité, jamais manifester une once de prudence ou de réserve par rapport à elle, mais s’en faire la caution et apprendre aux individus à s’y acclimater.
Comme un avocat n’est pas là pour soutenir la vérité mais pour faire gagner le mensonge de son client, le psy de magazine travaille à ce que celui qui le paie parvienne à vivre à l’aise avec ce qu’il est, ce qu’il fait, et dorme sur ses deux oreilles. Notre professionnel de l’enfance n’est en réalité pas là pour protéger l’enfant mais pour déculpabiliser le footballeur millionnaire ouvert aux joyeusetés de l’époque. Et c’est pour cela que le magazine l’appelle à la rescousse.
Ainsi, il arrive de lire, face à des réalités dont la nocivité psychologique semble évidente au premier venu, des professionnels de la psyché qui ne trouvent rien à redire. Eux qui pourtant ont expliqué des années qu’une anecdote bénigne de l’enfance pouvait avoir de graves répercussions et provoquer une vie de névrose, eux qui écouteraient avec compréhension Françoise Hardy leur expliquer qu’elle s’est longtemps sentie moche malgré son extrême beauté parce que sa grand-mère le lui avait dit petite… voilà qu’à présent ils ne semblent pas penser qu’être vendu par sa mère à une célébrité mondiale puisse avoir de conséquence notable sur l’organisme.