« Le chrétien fait piètre figure »

Friedrich Nietzsche (dans Le Gai savoir ?) :

« Si le christianisme était dans le juste avec ses dogmes du Dieu vengeur, de l’élection par la grâce, et du danger de damnation éternelle, ce serait un signe de débilité mentale de ne pas se faire prêtre, apôtre ou ermite, et de ne pas travailler uniquement à son salut dans la crainte. Il serait insensé de négliger ainsi les biens éternels au profit de ses aises temporelles.
A supposer que la foi existe, le chrétien fait piètre figure. C’est un homme qui ne sait vraiment pas compter jusqu’à trois, et qui du reste, à cause justement de sa débilité intellectuelle, ne mériterait pas d’être aussi durement châtié que le lui promet le christianisme. »

La Bible, quant à elle, dit : « Parce que tu es tiède, je te vomirai de ma bouche »

Paradis perdu

C’est sûr, le monde – le monde extérieur, le monde de la réalité, celui qui nous entoure – est mystérieux. Pourquoi ces choses, pourquoi le monde, cela nous pose beaucoup de questions. Mais voilà : tout cela est bel et bien là et il faut faire avec ; bon an mal an, on admet que ce monde existe de nécessité, même si on ne l’a pas encore totalement compris.

Mais pourquoi le monde intérieur, à l’intérieur de notre tête ? Pourquoi lui est-il là ? Quelle est son utilité et sa légitimité ? Quelle est sa réalité ? Pourquoi cet embarras, pourquoi ces pensées qui n’ont souvent aucune concrétisation, si ce n’est celle de finir par nous rendre malheureux ? 

Il était un temps où il n’y avait pas de monde intérieur. L’homme n’avait qu’un seul type de pensées : celles par lesquelles il accomplissait ses actions. Ces pensées ne s’imprimaient guère, elles disparaissaient aussitôt achevée l’action qu’elles commandaient. Puis un jour il y a eu la prévision, la mémoire, les souvenirs, la réflexion… Un jour s’est engouffrée  la conscience. L’homme n’a plus pu s’empêcher d’avoir un jugement, une opinion sur ce qu’il était en train de faire. L’homme s’est éloigné dans un recul sur lui-même. En même temps qu’il faisait, il s’est mis à penser à ce qu’il était en train de faire. A pourquoi et comment il le faisait… Puis à ce qu’il ne faisait pas. A ce qu’il aurait aimé faire, à ce qu’il aurait aimé n’avoir pas fait… Le monde intérieur s’est gonflé comme un lac, avec ses rêves, ses remords, sa culpabilité, son ennui… Avec ses idéaux, sa soif de justice et ses désirs de vengeance…

C’est comme cela qu’on pourrait comprendre la Genèse et le mythe du Paradis perdu dans la Bible. Cette « chute », ce moment où l’homme a rompu avec son état d’innocence. Où se sont infiltrés la conscience et tout le tralala. Ce moment où la vie s’est « décollée », est passée sous l’espionnage d’un œil supplémentaire sur soi-même. Le moment où la vie innocente, au 1er degré, est devenue tout bonnement impossible. Et ce de façon irréversible.

Voilà quel genre « d’arbre de la connaissance » il ne fallait pas toucher !