Vu un entretien de Sartre qui inspire l’idée suivante : chaque homme aurait en lui les virtualités de tous les autres. C’est-à-dire que nous serions tous détenteurs d’une somme identique de possibilités humaines, chacun contiendrait toutes les possibilités d’hommes, toutes les personnalités potentielles ; nos différences tiendraient seulement au fait que chez chacun, certaines de ces virtualités sont plus ou moins animées, développées, quand chez d’autres elles sont engourdies ou brisées.
Notre personnalité serait ainsi une combinaison unique de petites diodes allumées ou éteintes.
Et on admire tel sportif, philosophe ou astronaute, parce que sa performance témoigne de notre propre potentiel ; sa simple existence nous dit « voilà, homme, ce dont tu es capable ». Et on hait tel autre, râclure, sanguinaire, disgrâcieux, pour la même raison : son existence ravive en nous la peur de virtualités en nous qu’on craindrait de voir se mettre à clignoter.
Il y a là une idée de communauté humaine et de compassion qui me semble indispensable à la compréhension et à l’intelligence. Une idée profondément chrétienne au fond, qui résoud la confrontation entre l’unicité de l’individu et la communauté de l’espèce humaine, et qui d’autre part invite à regarder le monstre non seulement en face, mais aussi en soi.