« Dans la cosmogonie jivaro, toutes les créatures vivantes – humaines, animales, végétales – possèdent un esprit similaire. Les détails de leur vie intellectuelle et sentimentale sont déterminés par leurs spécificités corporelles. Un toucan, parce qu’il a un corps de toucan, perçoit un monde de toucan et développe donc des pensées et des désirs bien différents de ceux d’un pied de manioc ou d’un humain.
En étirant un peu l’idée, (…) chaque humain perçoit le monde au prisme de ses connaissances et de ses facultés. Certaines sont communes à l’espèce humaine, d’autres sont partagées par les membres d’une même culture, d’autres enfin sont personnelles. (…) Les connaissances et les facultés de chacun sont des outils permettant de composer un monde. Or, de même que les toucans et les pieds de manioc ont l’illusion de percevoir le monde objectivement – alors qu’ils perçoivent un monde de toucan et un monde de manioc – (…) nous pensons voir le monde tel qu’il est. Une conversation avec un ami à propos d’un film par exemple, donne souvent le sentiment vertigineux qu’un abysse vient de s’ouvrir entre nos deux mondes ; ou plutôt entre le vrai monde, que nous habitons, et le monde ésotérique où vit notre ami et où les films semblent étrangement déformés. »
Alessandro Pignocchi dans Petit traité d’écologie sauvage .