Dans La promesse de l’aube, Romain Gary nous raconte cette découverte désespérante qu’il fait, alors que depuis toujours il tente de surpasser son habileté au jonglage en compliquant l’exercice un peu plus (2 balles, 3 balles, 4 balles…) :
« Je me sentais aux abords d’un domaine prodigieux où j’aspirais de tout mon être à parvenir : celui de l’impossible réalisé. Malheureusement, un fait brutal s’imposa peu à peu à moi : je n’arrivais pas à dépasser la 6ème balle. J’avais beau faire, la 7ème balle se dérobait toujours à mes efforts. Le chef-d’œuvre demeurait inaccessible, éternellement latent, éternellement pressenti mais toujours hors de portée.
La dernière balle est restée à jamais hors d’atteinte. J’ai essayé toute ma vie. Ce fut seulement aux abords de ma quarantième année que la vérité se fit en moi, que je compris que la dernière balle n’existait pas. […]
Il serait temps d’ailleurs de dire la vérité sur Faust. S’il y a une chose que je n’aime pas faire c’est enlever leur espoir aux hommes. Mais enfin, la véritable tragédie de Faust, ce n’est pas qu’il ait vendu son âme au diable. La véritable tragédie, c’est qu’il n’y a pas de diable pour vous acheter votre âme. Personne ne viendra vous aider à saisir la dernière balle, quel que soit le prix que vous y mettiez. »
Il y a peut-être là-dedans une histoire d’illusion possessive ?