Lu il y a quelques temps un article qui mentionnait une phrase de Sartre, disant en gros que c’est bien joli de déplorer son époque, de rêver à ce que d’autres temps ont pu avoir de plus ou de moins, mais qu’à la fin, c’est ce temps-ci qu’il faut vivre et habiter pleinement, car c’est notre temps et il ne nous en sera pas donné d’autre.
C’est irrésistiblement vrai, bien entendu. Et c’est typiquement la phrase-déclic qui devrait faire lâcher son livre, se lever le cul du fauteuil et démarrer la vie qui nous attend depuis toujours.
Car oui, dans le creux de nous-même, nous avons, c’est vrai, cette sensation que la véritable vie n’a pas commencé. Nous, l’observateur, nous sommes moins dans la vie elle-même que dans un couloir de l’existence, en attente d’un verdict : un signe, un coup de pied, l’étincelle qui nous révèle tout à coup notre vocation, pleine d’évidence et de résolution. Celle que nous n’avons jamais trouvée depuis ce temps d’angoisse où l’éducateur nous demandait de choisir une « orientation ».
Ciel orange, ciel gris, assis sur son talus, et un orage qui ne veut pas tomber. Nous vivons dans l’expectative, dans l’attente de quelque chose à quoi nous serions bien incapables de donner un nom, une forme, un contenu… avec la suspicion qu’il ne vient pas nécessairement pour tous, ce moment où le cycle se rompt et où les choses se déroulent enfin pour soi. Ce moment que l’on prend pour un dû.
Notre temps est celui-ci, et il ne nous en sera pas donné d’autre : le mot de Sartre résonne comme un réveil, je suis en accord avec ça, mais après ? so what ? Je fais quoi, je vais où ? La vie n’a pas commencé, mais on en a tout de même bientôt dépensé la moitié. Sommes-nous de ceux qui savent se lever ? Prendre la balle au bond ? Sommes-nous de ceux qui changent ? Air trop lourd. Ciel gris. Yeux rageurs qui interrogent le ciel. Attendons encore un peu et nous aurons tout manqué. Sommes-nous de ceux qui se lèvent, puis qui se rassoient ?