Les films synthétiques 

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Rien ne vaut la stupeur du fan de trilogies hollywoodiennes, au moment où on lui apprend qu’à nos yeux, tout cela ne vaut rien ! Il peine à le concevoir. C’est que ces choses, les StarWars, Seigneur des Anneaux et tous ces grands machins épiques, sont réputés emballer le plus grand nombre, être “cultes, avoir “bercé notre enfance”, transporter dans « un univers incroyablement imaginatif »…

D’une, je ne crois pas qu’il soit encore possible d’être imaginatif en 2018 dans le registre « Moyen âge, dragons, femmes en peaux de bête et pouvoirs magiques ». De deux, j’ai plutôt l’impression que ces productions adressent un public qui a cruellement revu à la baisse ses exigences : ce public a désormais intégré que chaque nouveau film était une “franchise” potentielle et serait suivi, l’année prochaine et celle d’après, d’une suite, d’un “prequel”, d’un “sequel” ou d’un “crossover”. Les gens ont intégré le cahier des charges de ce cinéma standard et sont contents dès lors qu’il respecte le quota de cascades, d’effets spéciaux, de clins d’oeil de références… Ils en ont pour leur argent, ils peuvent rentrer à la maison.

La stupeur du fan, donc. “T’as pas aimé ? Mais le 5, tu l’as vu le 5 ?? Tu l’as pas aimé non plus ?!” . Je n’ai pas vu le 5, non. J’avoue que mon désintérêt pour le genre me tient loin de tout cela. Et je peine à comprendre, par exemple, ces gens qui reviennent de Batman contre Superman en se déclarant déçus, déplorant qu’ils l’auraient aimé plus ceci ou moins cela… A quoi pouvaient-ils s’attendre ? Pour ma part, je n’arrive pas à me représenter ce que serait un Batman contre Superman qui me plaise, que j’estimerais réussi. Ce n’est, pour moi, pas un matériau dont on peut faire quelque chose.

Néanmoins, il m’est arrivé de faire l’effort, de regarder le film quand il passe à la télé, ou dans l’avion. Ce que j’ai vu était toujours affligeant. Ces films sont « hyper bien faits », mais alors pourquoi tout transpire le toc dans le moindre recoin ? Ce casque médiéval est manifestement en plastique. Pas une lumière qui soit naturelle ni vraisemblable. Ici c’est du numérique. Là et là aussi. Ou encore, pardon, mais ces grands singes en SFX armés de fusils et montés sur des mustangs tel Géronimo, produisant toutes ces mimiques faciales typiquement humaines, c’est trop pour moi : au lieu de m’émouvoir, cela me plonge dans un sentiment de ridicule, je dois regarder autour que personne ne m’observe en train de regarder ça.

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En réalité, c’est l’esthétique générale de ces films qui d’entrée de jeu, me laisse à la porte malgré ma bonne volonté. Très rapidement, je vois à l’écran, au lieu de personnages et d’une histoire, de pauvres acteurs qui se débattent, enchaînés au projet pour les cinq prochaines années par un contrat en béton, vêtus d’un déguisement synthétique et hautement inflammable, chevauchant un tréteau sur fond vert qui sera transformé en noble monture ou en vaisseau spatial lors de la post-production… Et je tressaille de honte en imaginant cet homme de 57 ans, coiffé d’un plumeau et contraint de hurler « Naooon ! Frodooooon ! » devant toute une équipe de tournage… Ou pire : de déclamer d’un air profond l’une de ces phrases-sagesse sur la Vie, le Bien, le Mal… « La Vérité est par-delà ta Liberté, Luke, tu le sais… »

Je crains qu’il faille me considérer perdu pour ce cinéma-là. Ces grandes épopées ne marchent sans doute qu’à la nostalgie : il faut être tombé dedans tout petit pour que ça ne rebute pas. Quand on en est extérieur et qu’on raccroche les wagons en route, qu’on s’y met passés 18 ou 19 ans, on ne peut qu’être extrêmement navré : le kitsch, le cu-cul, le mauvais, vous sautent au visage, oui. Pour qui n’a pas sniffé ces meringues à l’âge le plus tendre, je crois que c’est impossible et complètement foutu.

Nourriture d’évadés

Largo Winch 4

Rien n’est plus triste que le spectacle suivant : un contrôleur de gestion ou un auditeur, le lundi matin dans le métro, qui cherche à différer la reprise imminente du travail en s’absorbant dans la lecture d’une BD de Largo Winch

Largo Winch, XIII, leur dessin dépourvu de personnalité… trouvent leur équivalent cinématographique dans des choses comme StarWars ou Le Seigneur des Anneaux. Pour les personnes à faible imaginaire, ce sont là des fenêtres de fiction qui présentent l’avantage d’être facilement visibles en tête de gondole ou en tête d’affiche, et qui proposent une folie tout à fait convenable et balisée.

Imagerie standard, l’avenir de l’univers comme ressort du drame… Une pincée de violence et de sexe pour le cerveau reptilien, et vous obtenez là un véritable substitut de repas, facile à digérer et qui aide à mincir, pour les personnes trop occupées.

episode_3_general_grievous_lightsabers« Quatre à la fois… T’imagine le truc complètement dingue !« 

Si l’on a l’habitude de décrire la fiction comme une passerelle d’évasion vers d’autres mondes, ce type de fantaisies me ferait plutôt penser à une opération de transvasement du cerveau d’une cage à une autre, le temps qu’on change sa litière.

Pour être totalement juste, il faut sans doute reconnaître à ces univers sécurisés le mérite de polariser l’attention des masses sur des productions qui, au moins, respectent les normes de conformité industrielle et environnementale, évitant de ce fait aux brebis de s’égarer vers des aliments moins inoffensifs, voire impropres à la consommation.

Rêve de l’espace : un futur antérieur

C’est désormais un sentiment bien étrange de regarder les vieilles images et actualités de la conquête spatiale des années 60 et 70.

Images d’une époque hors de propos, d’un futur devenu inaccessible. Temps à la fois démodé et futuriste, bloqué entre deux âges…

  • Démodé parce que comme pour toute époque du passé, nous avons le loisir de nous retourner et de poser un regard amusé sur ces petits ancêtres, bonshommes naïfs qui s’agitent dans leurs drôles de machines, à la poursuite d’un objectif pas complètement sérieux.
  • Futuriste parce que ces hommes d’il y a 40 ou 50 ans sont plus avancés que nous, plus rapprochés d’un certain futur qui n’a pas encore eu lieu. Ils sont plus proches de saisir ce rêve que nous le sommes aujourd’hui. Le passé qu’ils ont réalisé est redevenu pour nous science-fiction.

C’est d’ailleurs, il me semble, le seul exemple de futur passé. Futur antérieur. Futur abandonné. Le seul rêve sur lequel nous avons reculé. Pour une fois nous ne sommes pas allés au bout, nous n’avons pas occupé l’espace.

Nous n’irons pas dans l’espace.