Dans le métro, un dimanche soir, 23 h, un fou est dans le même wagon que vous. Un jeune, casque sur les oreilles, visiblement alcoolisé, qui arpente les voitures en fumant un pétard, parle seul à voix haute, chante, s’adresse à lui-même… Il fait des tractions et des cabrioles sur les barres et les poignées. Il a l’air heureux d’être fou devant les autres. Il est dans un état second. Dans un autre monde.
Mais à la station suivante, monte un autre fou ! Personnage grand, posé, patibulaire, lunettes fumées sur les yeux… Qui lui vole la vedette ! Il tient dans une main une bouteille de vin rouge et dans l’autre un verre à pied cassé. Et il se sert comme cela de petits verres successifs, qu’il déguste du bout des lèvres à même le verre brisé. Il sirote avec le plus grand calme et la plus grande distinction, à même le verre coupé, sans ambage.
Le jeune fou est médusé. Subjugué. « Attends t’es ouf toi, trop fort ». L’autre le toise de façon princière, lui propose de s’asseoir à côté de lui et de trinquer. Le jeune fou est fasciné. Son numéro de fou à lui est automatiquement ruiné, anéanti ; il l’a stoppé instantanément. Voici un fou qui s’est fait doubler par la gauche. Et voici une solution parmi d’autres pour claquer le bec d’un bousilleur : être plus fou que le fou.
C’est d’ailleurs le principe utilisé pour éteindre les puits de pétrole en feu : jeter de l’eau ne servirait à rien, il faut faire péter une énorme explosion au pied de la flamme, ça vous souffle net l’incendie. Et puis c’est marre.