Fluidité de l’information

Je rebondis sur un article de Jean Trito à propos de l’information [Lire ici] :

Il est en effet un paradoxe notable, que dans notre société de médias où l’on se vante que l’information n’ait jamais circulé si rapidement, si librement et en telle quantité, cette information soit de moins en moins consistante.

Aujourd’hui, on considère par exemple qu’un propos rapporté est une information, au même titre qu’un fait. « Tel politique a dit que… » est une information. « Tel chanteur a réagi aux propos de tel politique qui avait dit que… » est une autre information ! C’est ainsi que le flux d’information « augmente », et qu’on peut par exemple compter comme 3 informations :

  • l’information selon laquelle l’ambassade américaine à Paris considère les médias français inoffensifs et à la botte du pouvoir,
  • l’information selon laquelle WikiLeaks révèle que l’ambassade américaine considère les médias français inoffensifs et à la botte du pouvoir,
  • l’information selon laquelle le Monde a diffusé les informations révélées par Wikileaks parmi lesquelles on apprend que l’ambassade américaine considère les médias français inoffensifs et à la botte du pouvoir… Etc.

La fluidité de l’information, ce n’est pas seulement que l’information circule plus vite, plus facilement ou qu’elle s’insinue partout. C’est aussi que l’information est plus fluide, c’est-à-dire moins épaisse, plus diluée… Le fluide médiatique comprend de moins en moins de véritables morceaux d’information, créés à partir d’un reportage ou de l’exploration d’un sujet, et de plus en plus de rapports d’information, de commentaires, d’analyse, d’interprétation… RE-TWEET !

Prophétie auto-réalisatrice

L’événement de la semaine,  c’est que l’une des scènes de la vie future que j’avais prophétisée ici même s’est réalisée. Le futur est déjà là.

Tout a commencé comme ça, sur le blog C’estLaGêne :

Et puis ils sont arrivés. Au début, ça fait peur une bande de couillons hurlants qui s’introduit chez vous avec la ferme intention de tout saloper. Vous les voyez arriver avec leurs ricanements, se renvoyer la balle les uns les autres, vous voyez le monceau d’imbécilités grossir dans les commentaires… Vous voyez ceux qui restent un peu en retrait, qui ne lancent pas de pierre mais tiennent les manteaux…

[…]

Et ça continue. En quelques heures, vous voyez vos statistiques de blog exploser. Les gens proviennent de dizaines de comptes Twitter et Facebook… Vous voyez la machine d’imbécilité se mettre en marche et vous croyez que ça ne va plus s’arrêter. Vous réalisez qu’il n’y a pas grand chose à faire : c’est un énorme tourbillon de bêtise qu’il faut laisser passer. 

 

Retranché, il ne vous reste pas grand chose d’autre que faire comme Philippe Noiret dans Le Vieux Fusil, contraint d’observer la troupe de soldats allemands, avec sa barbarie civile et ordinaire, boire son bon vin, manger ses pâtés, feuilleter sa bibilothèque…

Puis vous prenez du recul. Vous ne lisez plus chaque commentaire individuellement mais vous les regardez dans leur ensemble. Et là, alléluia : il se dessine quelque chose. Ce n’est ni plus ni moins la prophétie dont il est question qui est en train de s’accomplir. Internet du futur. La scène que vous aviez prédit prend forme sous vos yeux. (Re)lisez l’article. Lisez les commentaires puis revenez à l’article : tout y est. Le refuge de l’idiotie et de la vulgarité de masse. La profusion des commentaires. A aucun moment on ne traite du fond ni d’un point précis, c’est simplement une agitation rigolarde. La pensée est enterrée sous les onomatopées, moquée et paradoxalement relayée sur les réseaux sociaux… Et tout ce petit monde repart aussi vite qu’il est venu, on passe à la suite.

 

 

Ceci pour dire qu’ici, on ne rigole pas. Vous pouvez me faire confiance : tout ce qui est écrit va véritablement arriver.

Faites votre petit portrait manga, ricanez, et allez mourir en enfer.