EPCOT

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EPCOT est le nom d’un parc d’attractions Disney parmi d’autres, situé en Floride et créé dans les années 80. Mais à l’origine, c’était le nom d’un projet relativement sérieux de ville utopique voire de modèle de société, élaboré par Walt Disney dans ses dernières années : Experimental Prototype Community of Tommorrow.

Je reproduis ici des extraits du dossier qui en parle dans le numéro 6 de France Culture Papiers :

« C’était pour Walt Disney un projet complètement neuf, celui d’une cité du futur dans laquelle une communauté de quelques dizaines de milliers de personnes pourrait vivre avec des règles assez strictes. Il s’agissait plutôt d’un projet d’urbaniste que de promoteur de parcs d’attractions. On y retrouve un peu tout à la fois : le plan de ville radioconcentrique, la ville climatisée, la ville parc d’attractions, la ville centre commercial, tout cela se mélange dans une sorte de bouillie conceptuelle peu digeste. Disney, en vérité, ne souhaitait pas seulement maîtriser l’environnement urbain, il souhaitait également infléchir, de façon assez profonde, l’organisation sociale de la ville même, et ce sous trois aspects.

  • Pour commencer, il tenait à ne laisser accéder à EPCOT que des personnes employées. Les 20 000 habitants se devaient de tous occuper un emploi, cela signifiait que chômeurs et retraités seraient contraints de quitter la ville. Une idée qui, d’après Walt Disney, devait assurer le renouvèlement perpétuel de la population.
  • Deuxième condition, tous les habitants d’EPCOT devaient être locataires, de façon à laisser la propriété à la seule Walt Disney Company. Cela devait les priver du droit de vote, réservé aux seuls propriétaires et laisser à la Walt Disney Company toute latitude pour gérer et entretenir EPCOT.
  • Dernière condition, Disney avait prévu de faire de la ville d’EPCOT une espèce de grand parc industriel conçu en partenariat avec les grands conglomérats et les grandes industries américaines de l’époque, tels IBM , US Steel, etc. Ces grandes entreprises devaient également utiliser la communauté d’EPCOT comme un gigantesque marché-test où seraient mis directement en vente les produits développés sur place, lesquels seraient donc achetés, puis testés par les habitants de la ville.

Walt Disney destine principalement EPCOT à ses employés et il veut que cette ville soit conçue comme un parc d’attractions où l’on viendrait visiter le mode d’habitat idéal des personnes qui travaillent pour lui. Il pousse le concept des company towns (ces villes faites par des industriels pour leurs employés) encore beaucoup plus loin, notamment avec le projet de faire visiter la ville : c’est l’idée que les gens eux-mêmes vont constituer l’attraction. Au point que Walt Disney imagine (même si l’idée est finalement abandonnée) de leur faire porter des costumes particuliers ou de légiférer sur les comportements, de sorte qu’ils apparaissent comme des êtres humains idéalisés se mouvant dans un parc d’attractions habitable»

Walt Disney« Nous pensons qu’il nous faut commencer à zéro sur une terre vierge pour construire un nouveau type de communauté. EPCOT, c’est cela, un nouveau type de communauté expérimentale qui sera toujours en devenir. Elle ne cessera jamais d’être un modèle de l’avenir où les gens mènent une vie qu’ils ne peuvent trouver nulle part ailleurs. Tout, à EPCOT, sera destiné aux gens qui vivront, travailleront et joueront ici et à ceux qui, du monde entier, viendront les voir ». – Walt Disney

Cette lubie de doux dingue ainsi exposée permet d’entrevoir l’idéologie capitaliste d’alors comme une véritable rivale du totalitarisme socialiste, tant dans ses moyens que dans ses ambitions. Il est dit dans le dossier de France Culture que le projet EPCOT « ne sera pas réalisé sous cette forme » après le décès de Walt Disney ; et on ne peut s’empêcher de se demander : n’a-t-il pas été réalisé sous une autre forme et d’une certaine manière, plus subtile et plus vaste que celle du parc d’attractions floridien qui porte son nom aujourd’hui ?

Paradis immédiat

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Le temps des utopies est derrière nous, c’est bien connu. Et dans le futur, c’est jusqu’à la capacité de se projeter qui a disparu : la société ne sent plus le besoin de deviner ce que l’avenir lui réserve, ni de se fixer des rêves lointains à réaliser. La mentalité collective vit désormais conscrite dans cette courte vue qu’on reprochait jadis aux politiques : l’horizon immédiat lui suffit.

Dans le futur, pourquoi inventer un avenir alors que le présent en est déjà un ? Alors que la nouveauté est perpétuelle et que les révolutions et les progrès sont le lot quotidien ? Pourquoi planifier le monde de demain alors qu’on est convaincu qu’il n’y a pas d’au-delà et qu’il faut être heureux ici et tout de suite ? Penser le futur ? Le bonheur est ici et maintenant, pourvu qu’on mange sainement et qu’on fiche un peu la paix à la nature. Ici et maintenant parce qu’il n’existe rien d’autre.

Dans le futur, les hommes ont appris à aimer leur présent, à en être euphoriques, au point qu’ils n’ont souci plus que de l’améliorer, de le préserver, mais non pas de le changer. Par exemple, il n’y a plus de véritable science-fiction : les œuvres dites de science-fiction sont en réalité des œuvres fantastiques, où s’opèrent des croisements entre différents univers imaginaires déjà existants. L’utopie, l’exercice de rêver, de fantasmer, est toujours là mais on rêve d’autres mondes, parallèles, pas de mondes « plus tard ». Toutes les ambitions et les lubies ont été remisées au profit d’une seule qui a pris toute la place : l’utopie ultime, l’utopie du présent.

L’utopie du présent fait voir par exemple le travail non plus comme du travail mais comme un moyen de s’épanouir ; elle fait voir l’argent qu’on n’a pas comme quelque chose qui « n’est pas ce qui compte » ; le lopin qu’on ne peut pas acquérir comme quelque chose de « tant mieux ! comme ça rien ne nous retient » ; et si l’entreprise n’offre plus de carrière toute tracée : bon débarras ! Bonjour mobilité, liberté, flexibilité… Dans le futur, les hommes ont appris à chérir un mode de vie au rabais : de bon gré ils respectent les principes de Restriction Durable. Préserver les ressources, se faire tout petit, ne pas laisser de traces… Vivre sobre à tous points de vue. Les hommes se sont affranchis de tout ce qui pouvait les séparer d’un bonheur immédiat, à portée…

Désormais, le présent est tout ce qu’il y a : lorsqu’on est ambitieux, visionnaire, on pense d’une part à le perfectionner, à l’entretenir… et d’autre part à éliminer tout ce qui sur terre fait obstacle à l’établissement du paradis immédiat. C’est ainsi que, dans le futur, les gens sont indignés par ce qui ne va pas bien tout de suite. Ils ne tolèrent pas que le présent utopique soit entaché et lancent des moratoires, des plans d’action, parfois même des guerres humanistes… Ils sont si satisfaits de leur présent que, quand l’occasion se présente, ils veulent l’étendre aux régions du globe où il tarde à advenir.

Scènes passées de la vie future

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Un blog, ce n’est pas très différent d’un tamagochi : lorsqu’on ne lui donne pas à bouffer un certain temps, on commence à culpabiliser ! Alors en attendant que je me remette à écrire, voici de croquignolesques couvertures illustrées présentant des utopies futuristes, trouvées dans le magazine Usbek & Rica :

Tuer le père

A ma droite : le fils qui a fait tout ce que son père attendait de lui.
A ma gauche : le fils rebelle, qui s’est escrimé à faire tout le contraire.
Lequel est le plus libre ? Lequel s’est « émancipé » ?

L’un comme l’autre, au final, n’auront fait que se définir par rapport à la figure paternelle : positivement ou négativement, ils auront décidé en fonction de ce qui était attendu d’eux. L’un comme l’autre auront tenu leur place par rapport au cercle que papa a tracé sur le sol au bâton.

L’homme résolument libre est celui qui s’élève au-dessus de ce cercle tracé. Celui qui n’en tient pas compte, qui l’ignore ou qui l’oublie. Il faut tuer le père : pas seulement son image ; il faut désintégrer le père, le faire disparaître en tant que référent. Se bâtir, ni pour lui ni contre lui, mais par rapport à soi-même et au monde.

Désintégrer le père : c’est la condition nécessaire à l’accomplissement de la liberté, et c’est une chose jamais complètement possible, évidemment. Désintégrer le père, c’est ce que les hommes libres se sont évertués à faire de tout temps, en échouant d’une manière ou d’une autre.

Rêve de l’espace : un futur antérieur

C’est désormais un sentiment bien étrange de regarder les vieilles images et actualités de la conquête spatiale des années 60 et 70.

Images d’une époque hors de propos, d’un futur devenu inaccessible. Temps à la fois démodé et futuriste, bloqué entre deux âges…

  • Démodé parce que comme pour toute époque du passé, nous avons le loisir de nous retourner et de poser un regard amusé sur ces petits ancêtres, bonshommes naïfs qui s’agitent dans leurs drôles de machines, à la poursuite d’un objectif pas complètement sérieux.
  • Futuriste parce que ces hommes d’il y a 40 ou 50 ans sont plus avancés que nous, plus rapprochés d’un certain futur qui n’a pas encore eu lieu. Ils sont plus proches de saisir ce rêve que nous le sommes aujourd’hui. Le passé qu’ils ont réalisé est redevenu pour nous science-fiction.

C’est d’ailleurs, il me semble, le seul exemple de futur passé. Futur antérieur. Futur abandonné. Le seul rêve sur lequel nous avons reculé. Pour une fois nous ne sommes pas allés au bout, nous n’avons pas occupé l’espace.

Nous n’irons pas dans l’espace.