Vol et brigandage

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Vol et brigandage au Moyen âge est un livre à recommander aux amateurs de la petite Histoire. Par l’étude d’archives judiciaires de différentes villes françaises, il raconte comment vol et voleurs ont été perçus, considérés, organisés et sanctionnés au long de cette période.

Il est intéressant de voir que la définition sociale du vol évolue au fil des siècles. Au début du féodalisme, le vol est fortement attaché à la nuit et à la notion d’obscurité dans laquelle il est commis. On vole de nuit, et par extension symbolique, on vole dans l’ombre, “dans le dos” de la société. Cet acte de trahison et de fourberie est ce qui constitue la gravité fondamentale du crime, plus que la matérialité, l’objet du vol ou la valeur du bien volé. Ce qui est incriminé, c’est avant tout la rupture de confiance, la rupture d’un pacte social établi sur la loyauté au seigneur.

Etonnante également : la relative clémence qui entoure le vol, la prise en considération de circonstances atténuantes dans les jugements, qui éloigne l’image d’Epinal d’un Moyen âge intraitable. Les femmes par exemple, dont les vols sont souvent liés à la nécessité, sont peu sanctionnées. Les primo-voleurs également – c’est en cas de récidive que les choses se corsent : le récidiviste n’y coupe pas, et le multi-récidiviste peut être mutilé (oreille, doigt, main…), marqué corporellement comme pour permettre aux bonnes gens de se garder de lui. Une sorte de bracelet électronique. Dans les cas les plus graves, la peine va au-delà de la mort : on interdit aux familles de décrocher du gibet le corps du supplicié pendant un certain nombre de jours : il n’ira pas en terre dans son intégrité.

Le vol est enfin lié aux guerres, qui lorsqu’elles se terminent, relâchent dans la nature des hordes de brigands qui arpentent les campagnes sans plus pouvoir compter sur l’intendance de l’armée. Le développement des bourgs entraîne une certaine professionnalisation du vol. De temps en temps, l’autorité royale est sommée de constituer des troupes de sécurité pour traquer les bandes devenues trop importantes dans certaines régions ou forêts (on ne les appelle pas encore « territoires perdus de la République » !).

Notre perception du vol et du brigand est désormais bien différente. Entre temps, sont passés par-là le « voleur de pommes » chanté par Brassens, le cinéma d’amour pour les grands bandits, la fascination pour le rebelle, pour le voyou et à présent pour le « thug »… Une sympathie certaine s’est développée chez nous pour cette population dans son ensemble. Loin de les considérer irréparablement fautifs d’avoir rompu un code de la confiance sociale, loin de vouloir les marquer à vie pour les reconnaître, nous leur accordons plutôt une sorte de seconde innocence dès lors qu’ils sont derrière les barreaux. Nous ne voulons plus savoir ce qu’ils ont fait. Les gens en prison sont, de fait, de simples résidents des prisons, et l’on n’est plus sûr au juste de la raison pour laquelle on les maintient là.

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