« Bien des choses sont possibles dès lors qu’on n’est pas aimé »

« Ils apprirent à ravaler leurs larmes et leurs cris, à regarder le père avec des yeux secs, à soutenir ses regards sans paraître insolents (…) ; et Médée [le frère aîné] leur apprendrait à mentir, au moins par omission, et que bien des choses sont possibles dès lors qu’on n’est pas aimé. »

Richard Millet dans La gloire des Pythre.

2 réflexions au sujet de “« Bien des choses sont possibles dès lors qu’on n’est pas aimé »”

  1. C’est le genre de phrase dont on peut dire tout et son contraire…Par exemple :

    A°) -Oui, c’est vrai. Les mal aimés n’ont rien à prouver puisqu’on n’attend rien d’eux. En conséquence, ils ne sont pas anihilés, ou inhibés, par un trop plein d’amour et d’espérance. On ne se projette pas en eux , c’est aussi ce qui favorise leur autonomie précoce. Tout comme certaines plantes crèvent de soins intensifs, Il y a des amours parentaux, irrationnels, exclusifs, pathologiques qui ressemblent à de la haine. Trop d’amour tue l’amour. Et ça, ce sont souvent les mères qui en sont responsables.

    Pour ce qui est du père (celui qui représente les interdits, la loi, l’autorité, les re-pères) son absence, ou sa non reconnaissance, peut permettre de s’affranchir du poids des conventions, d’une tradition familiale, des charges et des devoirs lié au nom. Je me souviens de Sartre, dans « Les mots », déclarant que, si son père avait été présent, il l’aurait écrasé de tout son poids. Je me souviens aussi d’une remarque de Patrick Sebastien, l’homme de télé, qui disait, en substance, que la non reconnaissance de son père (dont il me semble qu’il ne porte pas le nom) l’a forcé à obtenir celle des autres, ce qui explique sa carrière publique.

    Et même, tenez, si l’on considère-suivant en cela Marthe Robert*- le roman comme un genre bâtard, sans filiation, toujours en quête d’identité, toujours dans la construction à venir, on se rend compte que, contrairement à l’épopée homérique ou médièvale, à la geste courtoise et autres genres tout aussi codifiés, le roman soit le seul qui, ne devant rien à personne, perdure jusqu’à nos jours. Le seul aussi qui depuis Don Quichotte, favorise la figure du anti-héros, de l’exclu, du bâtard, du revanchard (Monte Christo; Rastignac etc…). Le roman est un genre sans père, sans origines, un mal aimé, un roturier, un parvenu. Il ne reçoit, ni prescriptions, ni interdits, dès lors tout lui est possible.
    [* »Roman des origines et origines du roman-TEL Gallimard-1972″]

    B°)- Non, rien n’est possible dès lors qu’on n’est pas aimé, car l’on ne peut donner que ce que l’on a reçu. Les enfants maltraités deviennent potentiellement des adultes maltraitants. Les enfants dépréciés souffrent généralement du manque d’estime de soi. Cette estime de soi, si nécessaire à l’esprit d’entreprise ! L’amour étant le moteur de toutes nos actions, on peut considérer que le manque d’amour en est le frein. Etc…etc…

    C°)- Par où l’on voit que la phrase de Millet est parfaitement discutable et qu’il y a autant d’interprétations qu’il y a de caractères. Ce que l’on peut tout de même observer, c’est qu’il existe toujours des exceptions à la règle ! Un enfant étouffé d’amour ne donne pas forcément un adulte timoré. Un enfant maltraité ne devient pas obligatoirement un adulte maltraitant. Partant de là, je pense que l’on en revient au sujet précédent, la phrase de Cesare Pavese. Il ne dépend que de soi-même de s’extraire, par le libre-arbitre, de ce qui nous entrave.

  2. Ce serait vrai si c’était un aphorisme tendant à exprimer une vérité, mais il faut plutôt le lire comme un extrait de roman : La gloire des Pythre est l’histoire d’une famille au père taciturne et étouffant et cette phrase résonne comme une libération pour les enfants. Une libération un peu amère mais salvatrice.
    Ceci dit, vous avez la bonne méthode pour tester les aphorismes, c’est ce que j’avais appris : pour dénicher ceux qui sont bidons, il faut les retourner systématiquement pour leur faire dire le contraire ; si le contraire est tout aussi vrai, l’aphorisme est bidon !

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