Equidistance

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Socialement, nous nous sommes souvent retrouvé à fréquenter deux groupes différents dans un même environnement. Sorte de double appartenance par laquelle on se retrouve non pas tant « écartelé » que « à l’écart », entre deux groupes qui ne veulent pas avoir à faire entre eux.

Au lycée par exemple, nous pouvions fricoter avec un groupe B d’élèves populaires, charismatiques, écoutant la musique qu’il faut… alors que nous appartenions plus régulièrement au groupe A de « normaux », de discrets, sans style ni caractère marqué. Les amis du groupe B ont toujours été déçus ou incompréhensifs de nous voir « traîner » avec le groupe A, tandis que le groupe A a toujours regardé avec une sorte de curiosité craintive le fait que nous ayons nos « entrées » dans le groupe B. Aucun ne semblait concevoir que l’on ne rejoigne pas définitivement le clan auquel nous aurions dû naturellement appartenir.

A y réfléchir, le fait se répète à plusieurs époques et dans différents cercles. Et même aujourd’hui où nous n’avons plus vraiment l’âge de raisonner en « bandes », il subsiste dans nos fréquentations quelques cicatrices de cette double appartenance…

Dans ce petit cirque, il y a sans doute quelque plaisir à démontrer au groupe B qu’il n’est pas ultimement désirable, qu’il est possible qu’on lui préfère autre chose ; et au groupe A que l’on peut être admis là où il ne l’est pas… Je crois aussi que, dans ce qui nous caractérise, il y a la volonté de froisser un peu le groupe, du moins il y a le refus de lui jouer le numéro qu’il attend ou qu’il plébiscite. Parce que nous ne sommes pas ce qu’il croit.

Plusieurs artistes et intellectuels qui ont notre estime ont d’ailleurs ce trait en commun, à présent qu’on y songe : ils sont lassés du spectacle, ce sont des gens qui ne vont pas vous faire leur numéro. Adeptes du contre-pas.

Dans ce qui nous caractérise, il y a une sorte d’autonomie sociale, de plaisir un peu idiot à faire son truc, à ne pas aller vers les autres et à les laisser venir, les laisser nous deviner plutôt que d’afficher clairement ce que l’on veut. Nous sommes une sorte de gentil effronté. Gentil, mais effronté.

5 réflexions au sujet de “Equidistance”

  1. A propos d’équidistance, je me posais un autre genre de question par rapport à la constitution de groupes sociaux.
    Vous allez dire « mais elle m’emmerde », j’ai choisi un thème fermé pourquoi veut-elle toujours l’ouvrir à autre chose ? ». La réponse est simple : parce que c’est plus rentable pour moi. Ce n’est ni pour vous emmerder, ni pour « faire mon numéro ».

    Je disais donc, à propos d’équidistance et de groupes « sociaux » constitués, je me demandais quelle était la différence entre un réseau et un forum et en quoi, une fois déterminée cette différence, les deux pouvaient servir une « advocacy policy » (c’est-à-dire un intérêt supérieur susceptible d’influencer une politique publique).

    Répond ou non qui veut.

  2. Ps : je viens de poser la question sur 2 autres blogs. Voyez, il n’y a pas que chez vous que je vais à la pêche.

    1. Vous avez un mémoire à rendre la semaine prochaine, c’est ça ? 🙂
      Pour ma part, je ne vois pas du tout ce que c’est qu’un « forum » (hormis les forums en ligne mais j’imagine que vous ne parlez pas de ceux-là).

  3. Article très intéressant (comme d’habitude d’ailleurs).

    Le désir de liberté et le plaisir à être désiré sont sans doute les deux mamelles qui nourrissent une telle conduite : « Regardez, je suis avec vous en ce moment mais je pourrais très bien être ailleurs, alors que vous au contraire… Voyez donc comme je vole ! »

    J’ai d’ailleurs tout de suite pensé au « Nec pluribus impar » de notre bon roi : « Comme le soleil, je trône fièrement au-dessus des masses et j’éclaire aussi bien les uns que les autres car tel est mon bon plaisir. »

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