Sur place ou à emporter

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Le cinéma traditionnel, lorsqu’il est bien fait, vous laisse un peu étourdi à la sortie du film. Vous rentrez chez vous et le récit et les images continuent à vous travailler, à faire leur œuvre dans votre esprit, pour ne cristalliser que plus tard, en un souvenir durable modelé par votre propre interprétation.

C’est le cinéma « à emporter », et c’est la raison pour laquelle il est si horripilant d’entendre, en sortant de la salle de projection, la personne derrière vous déjà occupée à commenter, analyser le film et juger de ce qui est réussi ou raté, alors que vous aimeriez vous maintenir encore un peu dans la « bulle » du film.

Par opposition, le cinéma « sur place » sont ces films de plus en plus courants, entièrement pensés pour l’immédiat, calculés pour en foutre plein les mirettes, pour en donner pour son argent et étourdir le temps de la projection. Ce type de films ne repose plus sur grand-chose en termes d’histoire et de profondeur. Il n’en reste absolument rien quelques heures plus tard et même ceux qui les ont encensés à leur sortie seraient gênés que vous leur fassiez relire leurs éloges six mois plus tard.

La 3D favorise ce type de films. Après tout, pourquoi pas s’offrir un bon coup de spectacle. Ce ne serait pas un problème si ces mêmes films n’essayaient pas malgré tout de se faire passer pour des chefs d’œuvre. On invente à Spiderman une histoire de frère mort quand il était jeune et l’on parle tout à coup de « film psychologique ». Des films qui, il y a 20 ans, n’auraient pas prétendu à autre chose qu’au rang de « nanard correct de l’été », s’annoncent désormais comme le film de l’année, tutoyant le film d’auteur et emballant massivement et le plus sérieusement du monde des troupes de « cinéphiles ».

Le public a développé son attente pour ce type de films : d’un film de super-héros en collants, il n’espère plus seulement de belles explosions ou de bons coups de poings, il proclame que c’est un chef d’œuvre, le nouvel étalon à égaler pour les cinéastes des prochaines années… Il a intégré également que ce film a déjà prévu une « suite » en cas de succès commercial. La fin en queue de poisson ne suscite pas sa déception, mais au contraire l’espoir d’un « sequel », d’un « préquel » ou d’une « trilogie ».

C’est le cinéma à consommer sur place, qui va à merveille avec ce que sont devenues les salles de cinéma, avec leurs sièges à pop corn, leurs empiffreurs de Magnum et leurs buveurs de Coca. Ce public quitte la salle dans un gros rot, le seau de pop corn renversé à terre, consultant sur son smartphone quand sortira le « 2 ».

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