Michéa et le rôle des essais

Sur le conseil d’un ami, je lis Jean-Claude Michéa. Sur son insistance, devrais-je dire, car au départ je rechignais. Michéa comptait alors, pour moi, parmi ces auteurs que l’on connait déjà sans les connaître, à force de les avoir entendus cités dans quelque conversation, lus mentionnés dans quelque article… Tant et si bien qu’on se croit capable, sans en avoir lu une ligne, de les situer, de visualiser à peu près leur thème, de leur attribuer une place sur ses étagères mentales

Ainsi pensais-je pouvoir situer Michéa sur une carte, avec en prime la pressentiment que nous pourrions bien nous entendre lui et moi si je venais un jour à le lire. Pour cette raison, rien ne me pressait voire je traînais les pieds : tant qu’à lire, je préfère toujours découvrir et me surprendre plutôt qu’approfondir, chercher à conforter ou aiguiser une opinion.

michéa

Sans surprise ou presque, je découvre dans cet Empire du moindre mal que Michéa parle de ce dont je devinais qu’il parle : la jonction des libéralismes économique et politique. A savoir : comment libéralisme politique (« c’est mon choix, de quel droit me jugez-vous« ) et libéralisme économique (marchandisation intégrale), intrinsèquement complémentaires, fonctionnent de paire pour aboutir à l’amoralité nécessaire de la société libérale.

Que gauche culturelle et droite économique soient les faces d’une seule et même médaille, du reste, n’a rien d’original. La thèse est connue et a d’autant moins besoin d’être soutenue que notre jeune président jupitérien a opéré en plein jour la fusion officielle de ces deux faces. Reste la redoutable efficacité de Michéa pour objectiver le fait. Arguments autant que style, voici une démonstration faite, nette, voici une affaire classée. Il n’y a plus à y revenir. C’est le genre d’ouvrage définitif qui devrait avoir le pouvoir de clore beaucoup de conversations devenues automatiquement caduques. A l’éventuel contradicteur, on devrait simplement pouvoir claquer le bec, l’interrompre sur le champ et le renvoyer au livre, qui a déjà tranché la question.

C’est à cela que devraient servir les essais, après tout : présenter un caractère suffisamment indiscutable, à l’instar d’une théorie de la rotondité de la Terre, pour mettre fin au débat d’idées et lui permettre de passer à autre chose, de progresser, de ne plus pouvoir revenir en arrière.

2 réflexions au sujet de “Michéa et le rôle des essais”

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