Gastronome de la merde

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Il y a des gens qui « aiment lire », et qui de fait lisent beaucoup, tout en réalisant le miracle de ne jamais faire d’incursion dans la vraie littérature. Ils lisent assidûment en effet, mais piochent systématiquement dans la facilité et le tout-venant de l’actualité d’édition. Roman de la dernière midinette qui dénonce le milieu médiatique. Succès américain d’il y a 2 ans. Livre de la rentrée littéraire. Essai socio-politique du moment…

Le gastronome de la merde est quelqu’un qui, faute de pouvoir se démarquer par le raffinement de son goût, mange de la merde mais en mange en quantité, en vue de compenser. C’est par la quantité ingurgitée qu’il entend se rendre intéressant.

Et il n’est pas exclu qu’il y parvienne ! et qu’il usurpe le titre de champion dans sa catégorie.

En musique, le gastronome de la merde écoute tous les hits du moment, tous genres confondus, et à tout moment de la journée ; il passe alors pour le passionné de musique, à la curiosité et au goût si « éclectiques ». Le trentenaire qui se gave de cochonneries sucrées ou gélatineuses, de pizza cheesy crust ou de n’importe quoi, plaidera qu’il « aime manger » ; il hérite alors de l’imaginaire positif du Gargantua de la bouffe et passe pour un bon vivant.

Mais le gastronome de la merde dans le domaine littéraire, de tous, reste le plus particulier. C’est que l’activité de lire est perçue par la plupart des gens comme une absolue qualité en soi. Peu importe des livres dont on parle. Le prétendu amour des livres fait toujours son petit effet. Si l’on aime lire, si l’on lit beaucoup, alors on est forcément quelqu’un de bien, quelqu’un de civilisé. Le gastronome de la merde dans le domaine littéraire est imposteur par excellence.

Pour notre part, lorsque quelqu’un nous affirme qu’il « adore lire », qu’il « dévore les bouquins » ou qu’il « lit beaucoup », cela nous émeut à peu près autant qu’un ivrogne qui nous dirait qu’il « aime beaucoup boire », planté devant le rayon « piquette » du supermarché.

rayon piquette

4 réflexions au sujet de “Gastronome de la merde”

  1. Bonjour l’oeil, je vous suis d’habitude sous un autre pseudo, mais je vous sens bien remonté là ! Serait-ce par hasard dû à la publication récente d’un ouvrage qui se targue d’être un livre et donc attire les imposteurs de la lecture ? Si je vous suis bien, mais, en littérature, y a-t-il « bonne » ou « mauvaise » lecture ? En tant que documentaliste, j’ai peur que ce ne soit un poil snob, qu’en pensez-vous ? Cordialement, Céline

    1. Il y a en tout cas une lecture qui pourrait aussi bien ne pas exister, être remplacée par des heures de gym en salle ou de télévision, sans que les intéressés ni le reste du monde s’en portent plus mal.

      1. Oui, et dans la foulée, les librairies pourraient devenir des endroits ou l’on feuillette et achète des livres.

  2. C’est le genre de réflexion qu’on ne se fait jamais, mais qui devient évidente dès qu’elle est énoncée.

    La plupart des livres publiés n’ont aucun intérêt. Seul un petit nombre est important.

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