Les commerciaux dans le métro

J’aime, dans le métro, tomber sur la délégation des 3 ou 4 commerciaux montés à la ville pour représenter leur entreprise à un salon ou un rendez-vous important.

Aucun snobisme, aucune méchanceté : j’aime simplement observer les choses microscopiques qui se passent à ce moment.

Entre eux. Entre les autres. Entre eux et les autres.

Ils sont debout, au milieu du wagon. Ils tiennent la barre. Ce sont les forces de vente.

Ils parlent à voix haute. Trop haute. Ils ne se doutent pas immédiatement que la foule les a détectés du premier regard. Ils croient d’abord s’être fondus dans la masse et l’anonymat urbain.

On a l’impression de lire en eux par transparence :

  • l’hôtel standard qui leur a été réservé dans le quartier de la gare,
  • la chemisette repassée, pliée et soigneusement glissée par leur petite femme dans le bagage à roues,
  • la bavette et le ballon de rouge pris le midi dans la brasserie la plus proche du Palais des Congrès,
  • dans la sacoche en cuir : le PowerPoint soigneusement agrémenté de titres arc-en-ciel en 3D…

Entre eux se passent énormément de choses également. L’impression individuelle et silencieuse qu’on les observe sans savoir à quoi ça tient. L’hésitation entre les attitudes à adopter. Le jeu du « seuls contre tous » : ils sont solidaires et resserrent le cercle qu’ils forment, jettent leurs regards par-dessus l’épaule, comme pour se protéger. Le jeu du « chacun pour soi » : malgré l’adversité, il faut continuer à en imposer devant les collègues, chacun faire semblant qu’il est à l’aise ici. Garder un œil régulier et discret sur le plan des stations sans lorgner avec trop d’insistance. Comme si l’on savait dans combien de stations on descendait !

J’aime les observer car ils sont une sorte de figure romanesque et éternelle : celle du personnage monté réussir à la capitale. Ces gens sont les descendants des paysans ou gentilshommes montés à Paris tenter le tout pour le tout.

Allez savoir : sous cette chemisette orange à cravate, il y a peut-être un Napoléon !

2 réflexions au sujet de “Les commerciaux dans le métro”

  1. Malgré ta précaution oratoire (ni snobisme ni méchanceté), j’avoue être surpris du ton employé.

    J’adore le prérequis qui consiste à penser qu’un rendez vous à Paris est un rendez vous … « important », ça doit être sympa de vivre encore au XXème Siècle :))

    Et puis d’ailleurs je ne prends jamais de bavette.Que de l’onglet.

    Lapin

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